Mines Maths MPSI 2004 -- Corrigé
Ce corrigé est proposé par Emmanuel Cornet (ENS Ulm) ; il a été relu par Jean
Starynkévitch (ENS Cachan) et David Lecomte (ENS Cachan).
Ce sujet est découpé en cinq sections, réparties dans deux problèmes
relativement
hétérogènes et de difficulté progressive. Le premier problème porte sur les
fonctions
hyperboliques ; le second étudie l'espace vectoriel des matrices triangulaires
supérieures d'ordre 2.
· La première section, courte et classique, demande de résoudre des équations
différentielles faisant intervenir la fonction tangente hyperbolique. Les deux
questions sont très proches du cours sur les équations différentielles.
· La deuxième propose d'étudier une courbe paramétrée définie à l'aide des
fonctions th et ch. Pour la résoudre, il faut être méthodique et maîtriser en
particulier la caractérisation des points stationnaires.
· La troisième examine une suite de fonctions définies par une intégrale (il
est,
là encore, question de fonctions hyperboliques) et la suite numérique formée
par les limites à l'infini de ces fonctions. Elle exige une bonne connaissance
des
parties du programme traitant des suites, mais aussi des fonctions réelles et de
l'intégration.
· Dans la quatrième section, on étudie les propriétés algébriques élémentaires
de
l'espace E des matrices triangulaires supérieures d'ordre 2.
· Enfin, la cinquième section, la plus longue et la plus intéressante, demande
de calculer les puissances des matrices de E avant de proposer une première
approche, par le biais des matrices, de ce que l'on appellera en deuxième année
des « séries entières » (l'énoncé ne mentionne d'ailleurs pas leur nom : ce sont
en réalité des polynômes de « degré » infini). Pas d'affolement ! Le problème
reste très progressif et guide le candidat avec dextérité et finesse.
En résumé, ce sujet offre un bon panorama du programme de mathématiques en
première année : on y aborde aussi bien l'analyse (intégration, dérivation,
équations
différentielles, suites numériques) que l'algèbre linéaire (matrices, espaces
vectoriels,
groupes, endomorphismes) et la géométrie (courbes paramétrées) ; ces trois
parties
du programme sont habilement enchevêtrées au fil du sujet. Il s'agit en outre
d'une
excellente introduction à la notion de série entière, essentielle en deuxième
année,
sans pour autant que des connaissances ne soient requises à leur sujet pour
s'entraîner sur cette épreuve ; l'énoncé parvient également à définir des
fonctions analogues
à l'exponentielle et au logarithme, bien connues dans R, sur l'espace des
matrices.
Bien équilibré, progressif, directif et intéressant dans ses enjeux, il s'agit
d'un excellent sujet.
Indications
Problème I
A.1 Une primitive de la fonction tangente hyperbolique est x 7- ln (ch x).
A.2 Pour trouver une solution particulière, utiliser la méthode de variation de
la
constante.
A.3 Calculer x(-t) et y(-t).
A.6 Pour connaître la nature du point A, une méthode est de calculer un
développement limité en 0 de t 7- x(t) et t 7- y(t).
A.7.a Le fait que l'énoncé demande d'exprimer le résultat sous la forme d'un
logarithme népérien doit faire penser aux expressions de ch t et sh t en
fonction de e t .
A.7.b Utiliser la question précédente.
A.13.a Effectuer le changement de variable u = -t.
A.14 Appliquer le théorème fondamental de l'intégration.
A.15 Se servir de la formule de Taylor-Young.
A.17.b Écrire à nouveau la définition de ch t en fonction de e t .
A.18.c Passer à la limite dans la relation de récurrence entre Ik et Ik+2 pour
obtenir
une relation entre Jk et Jk+2 . Distinguer selon la parité de k.
Problème II
B.1.a Montrer que E est un sous-espace vectoriel de Mn (R).
B.1.b Choisir un sous-ensemble de la base canonique de Mn (R). Ne pas oublier de
montrer que la famille obtenue est génératrice de E.
B.2.b (E, +) est un groupe abélien puisque E (muni de l'addition et du produit
par
un scalaire) est un espace vectoriel.
B.4.a Raisonner par récurrence.
B.5.b Appliquer l'inégalité de Taylor-Lagrange à la fonction exponentielle. Bien
prendre garde au fait que c'est n qui varie et que x est fixé.
B.5.d Dans le calcul de , et , ne pas oublier de distinguer les cas a 6= b et
a = b.
B.6.a La fonction exponentielle est-elle linéaire ?
B.6.b Distinguer soigneusement, là encore, les cas a 6= b et a = b.
B.6.c Qu'advient-il si, par exemple, est strictement négatif ?
B.7.b Adopter la même méthode qu'à la question B.5.b.
B.7.c Pour montrer que cn ----- c, ne pas chercher à faire apparaître la foncn+
tion , mais reconnaître simplement la somme des termes d'une suite géométrique.
A.
I.
Premier problème
Résolution d'équations différentielles
A.1 La solution générale d'une équation différentielle linéaire du premier
ordre, de
la forme z + a(t) z = 0, est z(t) = e-A(t) , où A est une primitive de a et
un réel
quelconque.
Ici, une primitive de t 7- th t est t 7- ln (ch t) ; aussi une fonction réelle z
est-elle solution de l'équation différentielle proposée si et seulement si
z(t) = e- ln (ch t)
t R
soit
z(t) =
t R
ch t
( R)
( R)
Si l'on ne connaît pas une primitive de t 7- th t par coeur, il suffit
d'intégrer
sh t/ch t en remarquant que sh est la dérivée de ch (aucune valeur absolue
n'est nécessaire dans le logarithme puisque ch est strictement positive sur R).
Pour trouver la solution z1 qui prend la valeur 1 en 0, il suffit de résoudre
l'équation suivante, d'inconnue :
z1 (0) =
=1
ch 0
Par suite,
d'où
z1 (t) =
=1
1
ch t
A.2 Soit z une solution de l'équation différentielle
z + z th t = t th t
(E)
1
La fonction z1 déterminée à la question précédente est de classe C et ne
s'annule
pas sur R, de sorte qu'on peut définir
t R
(t) =
z(t)
z1 (t)
Cette nouvelle fonction est également de classe C 1 , d'après les théorèmes
généraux
sur la dérivation, et elle vérifie
t R
z(t) = (t) z1 (t)
Exprimons le fait que z est solution de l'équation (E) :
t R
(t)
t th t = z (t) + z(t) th t = (t) z1 (t) + (t) z1 (t) + z1 (t) th t =
ch t
|
{z
}
=0
d'où
t R
(t) = t ch t × th t = t sh t
Soit x un réel quelconque ; intégrons cette dernière relation entre 0 et x :
Z x
(x) - (0) =
t sh t dt
0
Le membre de droite se calcule sans peine à l'aide d'une intégration par
parties :
Z x
x
(x) - (0) = [t ch t]0 -
ch t dt = x ch x - sh x
0
Ayant identifié la fonction auxiliaire , on peut désormais donner une expression
de la solution z de l'équation (E) :
t ch t - sh t + (0)
(0)
= t - th t +
ch t
ch t
Réciproquement, on vérifie aisément qu'une fonction de cette forme est solution
de (E). Par conséquent, une fonction réelle z est solution de (E) si et
seulement si
t R
z(t) = (t) z1 (t) =
t R
z(t) =
µ
+ t - th t
ch t
µR
On dira élégamment que l'espace affine (ici, une droite) des solutions de
l'équation avec second membre est dirigé par l'espace vectoriel des solutions
générales de l'équation homogène et passe par une solution particulière de
l'équation non homogène.
Étant donné que th s'annule en 0, la condition z2 (0) = 0 impose que µ = 0, si
bien que
z2 (t) = t - th t
II.
Étude d'un arc paramétré
A.3 Appuyons-nous sur la parité des fonctions hyperboliques : d'une part,
t R
et d'autre part,
t R
x(-t) = -t + th (-t) = -x(t)
1
y(-t) =
= y(t)
ch (-t)
Deux points M(t) et M(-t) de () sont donc symétriques par rapport à l'axe des
ordonnées.
admet (Oy) pour axe de symétrie.
C'est pourquoi on se contentera, dans toute la suite de cette partie, d'étudier
la
portion de courbe définie par t [ 0 ; + [.
A.4 Les fonctions t 7- x(t) et t 7- y(t) étant définies et continues sur R
puisque
t 7- ch t ne s'annule jamais, elles sont bornées sur tout intervalle borné de
R. De ce
fait, s'il apparaît des branches infinies (où par définition x, ou y, ou les
deux, tend
vers un infini), c'est que t lui-même tend vers l'infini. Voyons comment la
courbe se
comporte dans cette situation.
x(t) = t - th t ---- +
t+
et
y(t) =
1
---- 0
ch t t+
() admet donc (Ox) pour asymptote ; par symétrie, elle admet également (Ox )
pour asymptote lorsque t -.