Mines Maths 1 PSI 2009 -- Corrigé
Ce corrigé est proposé par Benoît Landelle (Professeur en CPGE) ; il a été relu
par Alexis Gryson (ENS Cachan) et Lætitia Borel-Mathurin (ENS Cachan).
Ce sujet propose l'étude de l'opérateur T défini sur l'espace C0 des fonctions
continues et 1-périodiques de R dans C par
1
x
x+1
0
f C x R
Tf (x) =
f
+f
2
2
2
L'épreuve se décompose en trois parties.
· Dans les préliminaires, on étudie la stabilité de C0 par T, la norme
d'opérateur
de T et la stabilité d'un hyperplan de C0 par T, ce qui fait appel à des
propriétés
élémentaires de continuité et de périodicité ainsi qu'à l'inégalité
triangulaire.
La question 4 aborde la notion d'hyperplan et la projection sur un sous-espace
parallèlement à un autre.
· Dans la deuxième partie, on s'intéresse à la restriction de T à des
sous-espaces
vectoriels engendrés par les fonctions trigonométriques 1-périodiques définies
par ek (x) = e 2ikx pour x réel et k entier relatif. La question 6 est une
question d'algèbre qui permet de mesurer sa capacité à discuter efficacement la
diagonalisabilité d'un endomorphisme. La question 7 est difficile et requiert
de prendre des initiatives en introduisant des résultats intermédiaires que l'on
montre par récurrence. L'analyse de Fourier intervient aux questions 8 et 9.
· La dernière partie, de loin la plus longue et la plus technique, propose
d'étudier
le comportement de T sur un espace de Hölder. On décrit le phénomène de
trou spectral pour la restriction de T à cet espace. Pour la construction d'un
vecteur propre de l'opérateur T, on étudie la convergence normale d'une série
de fonctions. La question 13, la plus technique de ce problème, permet de
vérifier qu'une fonction propre définie comme somme d'une série de fonctions
appartient à un espace de Hölder.
Ce joli problème d'analyse fonctionnelle est de difficulté croissante, avec deux
premières parties très abordables et une troisième partie plus délicate, mais
plus
riche, avec l'usage des fonctions höldériennes. Ce sujet d'une bonne technicité
permet
de réviser l'ensemble des connaissances du programme de prépa.
Indications
1 Ne pas oublier de vérifier la périodicité.
2 Pour établir l'égalité, considérer e0 .
3 Utiliser les changements de variables u = t/2 et v = (t + 1)/2.
4 Écrire C0 comme une somme directe faisant intervenir D et H0 et en déduire la
décomposition d'une fonction f pour cette somme.
5 Pour le calcul de Tek , distinguer selon la parité de k. Pour le calcul de
Pek ,
distinguer selon la nullité de k.
6 Vérifier que (e0 , e1 , e-1 , e2 , e-2 ) est une base de E2 et écrire la
matrice de T2 dans
cette base.
7 Pour j entier vérifiant j 6 n avec j = m2l où l et m sont entiers, montrer que
Tn k ej = Tn k-p em2l-p
p [[ 0 ; l ]]
En écrivant j = m2l avec m impair, déterminer Tn k puis Tn Pn .
8 Le k e coefficient de Fourier de la fonction 1-périodique f est défini par
Z 1
ck (f ) =
f (t)e -2ikt dt
0
9 Considérer l'application f 7 ck (f ) kZ .
12 Calculer TSn puis majorer kTf - f k avec l'inégalité triangulaire en faisant
intervenir TSn .
13 Distinguer les cas |x - y| > 1 et |x - y| 6 1. Pour le second cas, séparer
la somme
en deux conformément à l'indication et utiliser la majoration rappelée au début
de la partie III.
15 Procéder par récurrence. Mettre en valeur 2k et 2k + 1 dans les deux sommes
qui
apparaissent pour reconnaître une partition de [[ 0 ; 2n+1 - 1 ]].
16 Utiliser le résultat de la question 15 et, avec la relation de Chasles,
écrire l'intégrale
sur [ 0 ; 1 ] comme somme d'intégrales sur des intervalles de longueur 2-n .
17 Utiliser le résultat de la question 15 pour majorer m (T n f ).
18 Montrer la double inclusion. Vérifier
Z 1 que f est non-nulle. Pour f associée à une
valeur propre de T , déterminer
T f pour utiliser le résultat de la question 17.
0
D'après le rapport du jury, « le sujet portait sur l'étude dans l'espace C0 des
fonctions continues et 1-périodiques d'un opérateur de transfert dans le but
de mettre en évidence la propriété de trou "spectral". Un sujet intéressant,
plein de questions à difficultés plus que raisonnables, combinant à la fois
l'algèbre et l'analyse. » Comme cela est souvent dit ou écrit, la clarté et
la qualité de la rédaction sont des éléments déterminants pour l'évaluation
d'une copie de concours. Les auteurs du rapport du jury déplorent « le grand
manque de rigueur et les fautes d'étourderie ».
I. Préliminaires
1 Soit f C0 . Par les théorèmes généraux, la continuité de f implique la
continuité
de Tf et, pour tout x réel,
1
x+1
x+1 1
Tf (x + 1) =
+
f
+f
2
2
2
2
1
x+1
x
=
f
+f
+1
2
2
2
Comme f est 1-périodique, il s'ensuit
x
1
x+1
Tf (x + 1) =
f
+f
= Tf (x)
2
2
2
f C0
On en déduit
Tf C0
2 Par définition de l'opérateur T, on a, pour f C0 ,
x
x+1
1
kTf k = Sup
f
+f
2
2
xR 2
Par inégalité triangulaire, on obtient
kTf k
Il en découle
d'où
kTf k 6
1
6 Sup
xR 2
f
x
2
+ f
x+1
2
x
1
x+1
Sup f
+ Sup f
2 xR
2
2
xR
kTf k 6 kf k
Il s'ensuit que
Sup kTf k 6 1
kf k =1
Pour montrer que cette inégalité est en fait une égalité, considérons e0 la
fonction
constante égale à 1.
Ici, la borne supérieure est atteinte, ce qui n'est pas systématiquent le cas.
Les auteurs du rapport du jury regrettent que « la plupart des candidats
[aient] laissé de côté la démonstration de l'égalité ».
On a ke0 k = 1 et, pour tout x réel,
1
x
x+1
Te0 (x) =
e0
+ e0
=1
2
2
2
autrement dit
Te0 = e0
(1)
Conformément à la définition donnée en début d'énoncé, cette égalité prouve
que 1 est valeur propre de l'opérateur T puisque e0 est non nulle.
Ainsi
kTe0 k = 1
ce qui prouve
Sup kTf k = 1
kf k =1
3 Soit f H0 . Par définition de T et par linéarité de l'intégrale, on a
Z 1
Z 1
Z 1
1
t
t+1
Tf (t) dt =
f
dt +
f
dt
2 0
2
2
0
0
Procédons aux changements de variables u = t/2 et v = (t + 1)/2 respectivement
dans la première et la deuxième intégrale du membre de droite de l'égalité
ci-dessus.
Il vient
Z 1
Z 1
Z 12
f (u) du +
Tf (t) dt =
f (v) dv
1
2
0
0
Cette question ne présente pas de réelle difficulté ; pourtant le rapport du
jury
mentionne que l'« on voit encore souvent des changements de variables mal
faits (bornes inchangées) », erreurs que l'on peut vraisemblablement imputer
à un manque d'attention lors de la rédaction.
Par la relation de Chasles, on obtient
Z 1
Z 1
Tf (t) dt =
f (u) du = 0
0
0
0
parce que f H . Autrement dit
H0 est stable par T.
Z 1
0
Précisons pourquoi H = f C :
f (t) dt = 0 est un hyperplan de C0 .
0
0
On peut interpréter H0 comme le noyau d'une forme linéaire non nulle. En
effet, soit l'application définie par
0
C - C
Z
:
f
f 7-
[ 0 ;1 ]
Il s'agit d'une application linéaire par linéarité de l'intégrale, à valeurs
dans
l'espace des scalaires C. C'est donc une forme linéaire sur C0 . De plus, cette
forme est non nulle car (e0 ) = 1 6= 0. Par définition de H0 , on a
H0 = Ker
ce qui prouve, par théorème, que H0 est un hyperplan de C0 .