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e3a Maths 2 PSI 2017 -- Corrigé
Ce corrigé est proposé par Loïc Devilliers (ENS Cachan) ; il a été relu par
Sophie Rainero (professeur en CPGE) et Benjamin Monmege (enseignant-chercheur à
l'université).
Ce sujet propose d'étudier les matrices nilpotentes de Mn (R). Il est composé de
sept parties. Les cinq dernières sont largement indépendantes les unes des
autres.
· La partie préliminaire contient quatre questions de cours à traiter
rapidement.
· La partie I, la plus longue, fait établir quelques résultats généraux sur les
matrices nilpotentes qui pourront être utilisés par la suite.
· La partie II s'intéresse à deux exemples : le premier considère une matrice
nilpotente de taille n constituée uniquement de 1 strictement au-dessus de la
diagonale et de 0 ailleurs. Le second propose de décrire l'ensemble des matrices
nilpotentes de taille 2.
· La partie III a pour but de montrer que l'espace vectoriel engendré par les
matrices nilpotentes est l'espace des matrices de trace nulle.
· Dans la partie IV, on démontre qu'un sous-espace vectoriel de Mn (R)
uniquement constitué de matrices nilpotentes est de dimension au plus n(n -
1)/2.
· Dans la partie V, on montre que l'ensemble des matrices nilpotentes de Mn (R)
est un fermé d'intérieur vide.
· La partie VI, enfin, considère le cas des matrices qui sont la somme de la
matrice
identité et d'une matrice nilpotente. On montre que ces matrices admettent un
inverse et une racine carrée, qui s'écrivent l'une et l'autre comme un polynôme
en la matrice nilpotente.
Outre les questions de cours, ce sujet contient dans les parties I à IV des
questions
classiques sur les matrices nilpotentes (comme la somme de deux matrices
nilpotentes
qui commutent) et sur les sous-espaces vectoriels classiques de Mn (R) (matrices
symétriques, antisymétriques, triangulaires supérieures). Ces thèmes très
classiques
doivent absolument être maîtrisés quand on arrive aux concours. Les candidats
qui
s'étaient bien préparés ont pu traiter ces questions en faisant appel à leur
mémoire
en plus de leur réflexion, et se ménager ainsi du temps pour aborder les
parties V
et VI, qui étaient plus difficiles.
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Indications
Partie I
I-1 Montrer que A n'est pas inversible en considérant son déterminant.
I-2 Montrer que sp (A) = {0} et que A (X) = Xn .
I-3 Prouver qu'une matrice diagonalisable et nilpotente est forcément nulle.
t
t
I-5 Justifier et utiliser une relation entre ( A)k et ( Ak ) pour k R.
I-7 Utiliser le théorème de Cayley-Hamilton.
I-9 On considérera une matrice triangulaire supérieure stricte de rang n - 1.
I-10.2 On utilisera la formule du binôme de Newton.
I-11 Utiliser le fait que les matrices symétriques réelles sont
diagonalisables, puis
la question I-3.
t
I-12.1 Grâce à la question I-10.2, montrer que A A est symétrique et nilpotente.
t
I-12.2 Montrer que si Tr ( A A) = 0 alors A = On .
Partie II
II-1.2 Montrer que S est symétrique. De plus, S = J - In avec J la matrice
carrée
d'ordre n constituée uniquement de 1. Trouver un polynôme annulateur de S.
II-2.1 Utiliser le théorème de Cayley-Hamilton. Distinguer les deux cas Tr (M)
= 0
et Tr (M) 6= 0.
Partie III
III-3.3 On considérera une combinaison linéaire de ces matrices, puis on
récrira cette
combinaison dans la base canonique de Mn (R).
III-3.4 Déduire de la question précédente que dim V = dim T0 , puis conclure en
utilisant la question III-2.
Partie IV
IV-1 On exhibera une base de T1 .
IV-3 Montrer que Sn (R) T1 = {0} puis que dim Sn (R) + dim T1 = dim E .
IV-4.1 Utiliser la formule de Grassmann.
IV-4.2 Utiliser les questions IV-4.1 et IV-1.
Partie V
V-1 Considérer une suite de matrices nilpotentes. Utiliser la question I-7.
V-3 On appliquera ce qui précède au sous-espace vectoriel T0 .
Partie VI
n-1
P
(-X)k .
VI-1 Utiliser l'égalité entre polynômes : (1 - (-X)n ) = (1 + X)
k=0
VI-3 Soit (ck )kN les coefficients du développement en série entière exprimés à
la
n-1
P
question VI-2. On montrera que B =
ck k Ak convient, en effectuant un
k=0
produit de Cauchy et en utilisant l'unicité du développement en série entière
de x 7 (1 + x)1/2 .
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Questions de cours
QC1
La dimension de E est n2 . Une base de E est (Ei,j )16i,j6n .
QC2 Notons que les coefficients de la matrice Ei,j sont donnés par
Ei,j = (a,i b,j )16a,b6n où est le symbole de Kronecker.
Posons E = Ei,j Ek, , et notons (ea,b )16a,b6n les coefficients de la matrice
E. Considérons (a, b) [[ 1 ; n ]]2 , calculons le coefficient ea,b de la
matrice E :
ea,b =
n
P
a,i c,j × c,k b, = j,k a,i b,
c=1
Comme (a,i b, )16a,b6n est la famille des coefficients de la matrice Ei, , on
trouve
Ei,j Ek, = j,k Ei, , en particulier ce produit est nul dès que j 6= k.
QC3 Soit K un corps égal à R ou C. Soit A une matrice de Mn (K), on note A (X)
le polynôme caractéristique de A. Le théorème de Cayley-Hamilton affirme que
A (A) = On
QC4
La matrice M est trigonalisable dans Mn (K) si et seulement si le polynôme
caractéristique de M est scindé sur K.
D'après le théorème de d'Alembert-Gauss, tout polynôme de C[X] est scindé.
On en déduit, en particulier, que toute matrice de Mn (C) est trigonalisable.
I. Propriétés élémentaires
I-1 La matrice A étant dans N , on considère, dans toute cette partie, p un
entier
naturel fixé tel que Ap = On .
Montrons que la matrice A n'est pas inversible. Comme Ap = On et que le
déterminant d'un produit de matrices est égal au produit des déterminants de ces
matrices, il vient
det(A)p = det(Ap ) = det(On ) = 0
d'où det A = 0. On peut donc en conclure que
La matrice A n'est pas inversible.
I-2 Soient sp (A) et x un vecteur propre de A associé à : Ax = x.
Une récurrence immédiate montre que pour tout k N, Ak x = k x. En particulier,
pour k = p, il vient
0 = Ap x = p x
Comme x n'est pas nul, on en déduit que p = 0, puis que = 0. Par conséquent,
sp (A) {0}. Réciproquement, 0 est bien valeur propre de A, car A n'est pas
inversible d'après la question précédente. Par double inclusion,
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sp (A) = {0}
Dans C[X], A (X), le polynôme caractéristique de A, est unitaire, scindé et de
degré n.
Dès lors, il existe (1 , . . . , n ) Cn tel que
n
A (X) =
(X - i )
i=1
De plus, les racines de A (X) sont les valeurs propres de A. Ici, les valeurs
propres
de A sont toutes nulles, donc pour tout i [[ 1 ; n ]], i = 0. En conclusion,
Le polynôme caractéristique de A est A (X) = Xn .
I-3 Supposons que la matrice nilpotente A soit diagonalisable. La matrice A est
alors semblable à une matrice diagonale dont les éléments diagonaux sont les
valeurs
propres de A. D'après la question I-2, la seule valeur propre de A est 0, ainsi
la
matrice A est semblable à On . Or, seule On est semblable à On , donc A = On .
Réciproquement, la matrice On est diagonalisable et nilpotente. Ainsi,
La matrice A est diagonalisable si et seulement si A = On .
I-4 Soit B une matrice de Vect (A), considérons R tel que B = A, par
conséquent, Bp = p Ap = On , d'où B N . Finalement,
Vect (A) N
t
t
t
I-5 Rappelons que (CD) = D C pour D et C deux matrices de E . Ainsi, par une
récurrence immédiate sur l'entier naturel k, on a
t
k N
t
t
(Ak ) = ( A)k
t
( A)p = On = On
Ainsi,
t
En conclusion,
AN
I-6 Supposons que la matrice M soit semblable à la matrice A. Considérons alors
une matrice P inversible de E telle que M = PAP-1 . Une récurrence immédiate
sur k N montre que
k N
Mk = PAk P-1
En prenant k = p, il vient Mp = PAp P-1 = POn P-1 = On .
Si M est semblable à A, alors M N .
I-7 À la question I-2, on a vu que le polynôme caractéristique de A est Xn . De
plus,
d'après le théorème de Cayley-Hamilton (énoncé à la question de cours QC3), ce
polynôme est annulateur de A. On en déduit que
An = On
I-8 Lors de la question I-7, on a vu que si M est une matrice de E nilpotente,
alors Mn = On . Réciproquement, si Mn = On , alors il existe bien un entier
naturel p
tel que Mp = On (prendre p = n). On en conclut donc que
Pour tout M E , M est nilpotente si et seulement si Mn = On .