X Maths PC 2004 -- Corrigé
Ce corrigé est proposé par Walter Appel (Professeur en CPGE) ; il a été relu par
Joseph Salmon (ENSAE) et Sébastien Gadat (Enseignant-chercheur à l'Université).
Ce sujet étudie l'existence et l'unicité d'un polynôme unitaire de norme
minimale,
pour une norme introduite et étudiée au cours du problème.
Il est composé de cinq parties assez largement indépendantes.
· Dans une première partie, on construit les polynômes élémentaires de Lagrange
associés à une famille (x1 , x2 , . . . , xn ) de complexes distincts. On fait
le lien
entre ces polynômes et la matrice de Vandermonde associée à (x1 , x2 , . . . ,
xn ).
· La deuxième introduit la norme kQkK = supzK Q(z) , où K est un compact
de C, et fait démontrer constructivement qu'elle est équivalente à une norme
bien connue sur les espaces de polynômes de degré donné.
· Une courte troisième partie montre l'existence d'un polynôme unitaire de norme
minimale.
· Dans une quatrième partie, on étudie le cas particulier où K est la boule
unité
fermée.
· Enfin, une cinquième partie, un peu plus technique, permet de démontrer
l'unicité du polynôme unitaire de norme minimale.
Les outils mis en oeuvre sont, outre certaines propriétés simples et classiques
concernant les polynômes, quelques théorèmes généraux dans les espaces
vectoriels
normés : toute fonction continue sur un compact atteint ses bornes supérieure et
inférieure, toutes les normes sont équivalentes en dimension finie.
Au final, ce sujet est équilibré et très progressif. Lorsqu'un résultat d'une
partie
est utilisé dans une autre, l'énoncé l'indique clairement. Enfin, il ne
comporte aucune
question « infaisable », même si un certain nombre d'entre elles demande une
réelle
réflexion. C'est donc un excellent sujet de révision, quittant les sentiers
battus et
permettant de s'entraîner à manipuler des espaces vectoriels normés dans un
cadre
agréable.
Indications
Première partie
1.b Commencer par calculer P (xj ), puis séparer les cas j = k et j 6= k.
p
P
1.d Considérer une combinaison linéaire
j Pj et l'évaluer en chacun des xk .
j=1
3.a Calculer le coefficient dominant de Pj . Puis, dans l'expression demandée,
faire
apparaître un coefficient de BV = In .
Deuxième partie
4.a Que peut-on dire de la dimension de Ed ?
5.b Considérer des vecteurs colonnes formés des coefficients a0 , . . . , an-1
et des
valeurs Q(x1 ), . . . , Q(xn ), et trouver une relation matricielle entre eux
et en
déduire une majoration des |aj |.
Troisième partie
6.c Montrer que l'ensemble des polynômes de Ud de norme inférieure ou égale à d
est un compact.
Quatrième partie
8.a Considérer la multiplicité de z0 en tant que racine de Q - 1.
8.b S'inspirer du calcul effectué à la question 7.
8.c Dans l'expression trouvée en 8.b, noter que (z - z0 ) R(z) tend vers 0 quand
z tend vers z0 .
9.b Considérer un complexe z0 pour lequel Q(z0 ) = sup Q(z) ; supposer que
|z|61
|z0 | < 1 et aboutir, à l'aide de la question 9.a, à une contradiction. 9.c Utiliser le résultat précédent avec le polynôme aux inverses 1 P(X) = Xd · Q X Cinquième partie 11.b Utiliser la question 10. 12.d Commencer par définir les suites (p )p et (p ), puis vérifier qu'elles satisfont aux propriétés demandées. 13 Raisonner par l'absurde en supposant qu'il existe deux tels polynômes Q0 et Q1 , et utiliser les questions 11 puis 12 pour aboutir à une contradiction. Première partie 1.a Soit j [[ 1 ; n ]]. Le complexe xj étant racine simple de P, ce polynôme est divisible par (X - xj ) et P(X) = (X - x ) (X - xj ) 166n (1) 6=j ce qui est l'expression d'un polynôme de degré n - 1. De plus, xj étant une racine de multiplicité égale à 1 de P, on en déduit que P (xj ) 6= 0. Par conséquent, L'expression de Pj définit effectivement un polynôme de degré n - 1. 1.b Pour commencer, on peut établir l'expression du polynôme dérivé P . Lorsque l'on dérive un produit de n facteurs, on obtient une somme où l'on dérive successivement un et un seul des facteurs, c'est-à-dire : P (X) = n P Q (X - x ) m=1 166n 6=m Notamment, pour tout j [[ 1 ; n ]], on a P (xj ) = (xj - x ) 166n 6=j puisque tous les autres termes sont des produits contenant un facteur nul. Enfin, si l'on évalue l'expression (1) en xk , on obtient deux résultat différents selon que j est égal à k ou non. · Si j = k, alors l'expression (1) vaut égale à P (xk ). (xk - x ), c'est-à-dire qu'elle est 166n 6=k · Si j 6= k, alors l'expression (1) contient un facteur nul. Conclusion : Pour tout k, N Pj (xk ) = jk = ( 1 0 si j = k sinon. Les polynômes (Pj )16j6n sont appelés polynômes élémentaires de Lagrange associés à la famille (x1 , . . . , xn ). Ils ont pour expression, équivalente à celle donnée dans l'énoncé, (X - x ) Pj (X) = 6=j (xj - x ) 6=j En posant LF = n P F(xj ) Pj j=1 on obtient, pour tout k [[ 1 ; n ]] : n n P P LF (xk ) = F(xj ) Pj (xk ) = F(xj ) j,k j=1 j=1 = F(xk ). Les polynômes F et LF prennent les mêmes valeurs en x1 , . . . , xn . Le polynôme LF est appelé polynôme interpolateur de Lagrange associé à F et (x1 , . . . , xn ). n P 1.c Notons C = Pj - 1. Alors, d'après la question 1.b, en utilisant le polynôme j=1 F = 1, on a C(x1 ) = C(x2 ) = · · · = C(xn ) = 0 ce qui prouve que C a n racines distinctes. Or C est un polynôme de degré au plus n - 1, par suite C est le polynôme nul. Conclusion : n P Pj = 1 j=1 1.d La famille (P1 , . . . , Pn ) est de cardinal n = dim En-1 . Montrons qu'elle est de plus génératrice. Soit F En-1 . Construisons le polynôme LF comme dans la question 1.b : alors LF est combinaison linéaire de P1 , . . . , Pn et prend les mêmes valeurs que F en x1 , . . . , xn . En d'autre termes, le polynôme F - LF possède n racines distinctes ; or il est de degré au plus n + 1 : il est donc nul. Ceci montre que F est combinaison linéaire de P1 , . . . , Pn . Conclusion : La famille (Pj )16j6n est une base de En-1 . On aurait pu tout aussi bien montrer la liberté de la famille (P1 , . . . , Pn ), selon une technique usuelle lorsque l'on utilise la dualité. n P Soit (1 , . . . , n ) une famille de complexes telle que j Pj = 0. Pour j=1 tout k [[ 1 ; n ]], évaluons le polynôme nul en xk : 0 = 0(xk ) = n P j Pj (xk ) = j=1 Ainsi, n P j j,k = k j=1 (1 , . . . , n ) = (0, . . . , 0) On a établi la liberté de la famille (P1 , . . . , Pn ). 2 Pour des questions de commodité, notons Vij et Bij les coefficients d'indice (i, j) des matrices V et B, c'est-à-dire que (i, j) [[ 1 ; n ]]2 Vij = (xi )j-1 et Bij = bi-1,j