Mines Maths 1 PC 2007 -- Corrigé
Ce corrigé est proposé par David Lecomte (Professeur en CPGE) ; il a été relu
par Vincent Puyhaubert (Professeur en CPGE) et Benoît Chevalier (ENS Ulm).
Les sujets de concours sur les pseudo-inverses de matrices, classiques il y a
une
dizaine d'années, n'avaient pas reparu depuis. Ils reviennent apparemment au
goût
du jour avec ce problème d'algèbre linéaire des Mines.
Cet énoncé présente aussi l'originalité de construire sur le problème des Mines
MP de la session 2006, dans lequel on étudie les éléments propres des matrices
stochastiques strictement positives. Ces dernières sont les matrices à
coefficients strictement positifs et dont la somme sur chaque ligne est égale à
1. L'année dernière, vos
collègues de MP devaient montrer une version du théorème de Perron-Frobenius :
une telle matrice P admet 1 comme valeur propre simple et on peut y associer un
unique vecteur propre X qui soit stochastique strictement positif.
L'objectif de notre problème est d'étudier les liens entre matrices
stochastiques et
pseudo-inverses, dans le but d'identifier ce vecteur X . On procède en trois
étapes.
· Dans un premier temps, on étudie des normes sur les espaces de matrices,
particulièrement adaptées aux matrices stochastiques positives ;
· Puis on s'intéresse à la notion de pseudo-inverse définie par l'énoncé en
introduction. En particulier, on caractérise les matrices qui admettent un
pseudo-inverse
et on montre que dans ce cas, le pseudo-inverse est unique ;
· On arrive enfin au but du problème. Plus précisément, on montre que : étant
donnée une matrice P Mn,n (R) stochastique strictement positive, la matrice
A = In - P admet un pseudo-inverse A . Et si, par chance, on met la main
sur A , alors In - AA est une matrice dont toutes les lignes sont égales au
vecteur X que l'on cherche.
Cette épreuve est assurément un très bon problème, de difficulté moyenne, pour
réviser le programme d'algèbre linéaire. L'emphase est mise sur le programme de
première année de CPGE, car la partie du programme sur la réduction de matrices
y
a une place très marginale. Le problème permet donc de voir si le candidat est
à l'aise
avec la dualité entre matrices et applications linéaires, la manipulation de
matrices
(produits et sommes), et l'utilisation des principaux résultats dans les
espaces de
dimension finie.
Indications
I.
Préliminaires
1 Utiliser la définition du produit matriciel et l'inégalité triangulaire pour
majorer
(MN)(i, j) . Puis sommer sur j et intervertir les sommes. La fin consiste
simplement à utiliser la définition de la norme.
3 Procéder par récurrence.
II.
Pseudo-inverse
4 Se rappeler que si u et v sont des endomorphismes d'un espace vectoriel, alors
Im (uv) Im u. Utiliser ceci pour montrer d'abord que rang a2 6 rang a ; puis,
conjointement aux propriétés que possèdent a et un pseudo-inverse, pour obtenir
rang a 6 rang a2 .
5 Montrer d'abord que Im a = Im a2 . Puis en déduire que Ker a + Im a = Rn .
Conclure à l'aide du théorème du rang.
6 Se placer dans une base de Rn adaptée à la somme directe Rn = Im a Ker a.
Le rang de B est égal au rang de A.
-1
B
0
7 Vérifier que W
W-1 est un pseudo-inverse de A.
0
0
8 Travailler dans la base utilisée à la question 6.
9 Montrer d'abord que Ker (aa ) = Ker a ; une inclusion est toujours vraie.
L'autre
utilise la relation (2) satisfaite par A du fait qu'elle admet un
pseudo-inverse.
En couplant ceci au théorème du rang, établir que Im (aa ) = Im a.
10 Vérifier que D, mis en évidence à la question 8, n'est autre que B-1 .
III.
Calcul de X
12 Montrer que 2P - P2 est stochastique. Compte tenu du fait que A = In - P
et A2 = In - (2P - P2 ), montrer que a et a2 ont le même noyau, à l'aide du
théorème 1 donné par l'énoncé. En déduire que Ker ac = Ker a2c ; conclure.
13 Le théorème du rang et le théorème 1 de l'introduction permettent de calculer
la valeur commune de rang a et rang a2 .
k-1
P
14 Poser D = In - C et calculer
(In - C)j C en écrivant C en fonction de D.
j=0
15 Se servir des résultats de la partie II pour écrire A et A sous forme de
matrices
par blocs. La matrice B est inversible donc le calcul de la question 14 peut
être
appliqué à In - B. Ne pas oublier, d'ailleurs, que P = In - A.
16 Les résultats de la première partie sont utiles pour majorer k(In - Pk )A k.
17 Les matrices A et A commutent donc In - AA = In - A A. Se rappeler que A
s'écrit en fonction de P, qui est stochastique.
18 Appliquer le théorème 1, qui donne une manière de calculer X à partir d'un X
quelconque dans Kn . Prendre, pour X, le vecteur ligne dont tous les
coefficients
sont nuls sauf celui en ie position qui vaut 1.
I. Préliminaires
1 Soient M Mn,r (K) et N Mr,m (K). Rappelons la formule définissant le produit
matriciel : MN appartient à Mn,m (K) et
(i, j) [[ 1 ; n ]] × [[ 1 ; m ]]
r
P
(MN)(i, j) =
M(i, k) N(k, j)
k=1
Donc
kMNk = max
m
P
16i6n j=1
m P
r
P
(MN)(i, j) = max
M(i, k) N(k, j)
16i6n j=1 k=1
Soit i [[ 1 ; n ]]. D'après l'inégalité triangulaire,
j [[ 1 ; m ]]
r
P
M(i, k) N(k, j) 6
r
m P
P
M(i, k) N(k, j) 6
j=1 k=1
|M(i, k)| |N(k, j)|
k=1
k=1
d'où
r
P
m P
r
P
|M(i, k)| |N(k, j)|
j=1k=1
Commençons par intervertir ces deux sommes finies :
m
m P
r
r P
P
P
|M(i, k)| |N(k, j)|
M(i, k) N(k, j) 6
k=1 j=1
j=1 k=1
|
{z
(S)
}
Dans la somme (S), les termes M(i, k) sont indépendants de l'indice de
sommation,
qui est j, ce qui permet de les mettre en facteur :
m P
r
r
m
P
P
P
M(i, k) N(k, j) 6
|M(i, k)| |N(k, j)|
j=1 k=1
j=1
k=1
Puis, par définition de kNk, on a
k [[ 1 ; r ]]
m
P
|N(k, j)| 6 kNk
j=1
d'où
m P
r
P
M(i, k) N(k, j) 6 kNk
j=1 k=1
r
P
|M(i, k)| 6 kNk kMk
k=1
Cette inégalité est valable pour tout i [[ 1 ; n ]]. On conclut donc
kMNk 6 kMk kNk
2 P est une matrice stochastique de Mn,n (K), ce qui signifie que PJn = Jn .
Autrement dit, puisque Jn est la matrice colonne dont tous les coefficients
valent 1,
i [[ 1 ; n ]]
(PJn )(i, 1) = 1
En exprimant le terme général de PJn à l'aide de la définition du produit
matriciel,
n
P
i [[ 1 ; n ]]
P(i, k) = 1
k=1
P est positive donc chacun de ses coefficient est positif, égal à sa valeur
absolue, d'où
n
P
i [[ 1 ; n ]]
|P(i, k)| = 1
k=1
Par suite,
max
r
P
|P(i, k)| = 1
16i6n k=1
Autrement dit,
kPk = 1
3 On définit, pour tout entier k non nul, la propriété Q(k) : « Pk est une
matrice
stochastique. »
· Q(1) est vraie par hypothèse.
· Q(k) = Q(k + 1) : Pk et P sont stochastiques. Alors
Pk+1 Jn = Pk (PJn ) = Pk Jn = Jn
En outre, d'après la formule définissant le produit matriciel, les coefficients
de
Pk+1 sont des sommes de produits de coefficients de P et Pk . Ces deux matrices
étant à coefficients positifs, Pk+1 est également à coefficients positifs.
C'est donc
une matrice stochastique et Q(k + 1) est vraie.
· Conclusion : Q(k) est vraie pour tout entier k non nul.
Pour tout entier k non nul, Pk est stochastique.
II. Pseudo-inverse
4 Supposons que A admet un pseudo-inverse A . Notons a l'endomorphisme de Rn
canoniquement associé à A . Les relations matricielles entre A et A se
traduisent en
termes d'endomorphismes de la manière suivante :
aa = a a
a = aa a
et
a = a aa
Rappelons la relation suivante, triviale, qui peut être considérée comme
du cours : si f et g sont deux endomorphismes d'un espace vectoriel E, alors
Im (f g) Im f . Cela tient simplement au fait que
Im (f g) = f g(E) = f (g(E)) f (E) = Im f
Si E est, de plus, de dimension finie, on a rang (f g) 6 rang f puisque le
rang d'une application linéaire est la dimension de son image.
Les deux premières relations donnent a = a2 a . D'après la formule rappelée en
remarque, rang a = rang (a2 a ) 6 rang a2 . Mais on a aussi a2 = a a donc,
toujours d'après cette formule, rang a2 6 rang a. Par suite,
Si A admet un pseudo-inverse, alors a et a2 ont le même rang.
5 Observons d'abord que Im a = Im a2 . En effet, l'inclusion Im a2 Im a est
triviale ; de plus, d'après la question précédente, ces deux sous-espaces ont
la même
dimension, à savoir rg a.