Thème de l'épreuve | Réels qui sont valeurs propres de matrices symétriques à coefficients réels |
Principaux outils utilisés | algèbre matricielle, produit scalaire, réduction, polynômes, nombres complexes, arithmétique, séries entières |
Mots clefs | matrice symétrique, matrice orthogonale, base, congruence, équation diophantienne, racines de l'unité, polynôme rationnel, fraction rationnelle, valeur propre, somme de Newton, matrice compagnon, sous-corps, nombre totalement réel, polynôme réciproque, polynôme caractéristique, densité |
ECOLE POLYTECHNIQUE ECOLES NORMALES SUPERIEURES CONCOURS D'ADMISSION 2020 LUNDI 20 AVRIL 2020 - 8h00 --- 12h00 FILIERE MP - Epreuve n° 1 MATHEMATIQUES A (XLCR) Durée : 4 heures L'utilisation des calculatrices n'est pas autorisée pour cette épreuve Le but de ce problème est d'étudier certains aspects de la diagonalisabilité des matrices symétriques à coefficients rationnels. Ces matrices sont diagonalisables dans R, mais il se trouve que leurs valeurs propres ne peuvent pas prendre n'importe quelle valeur réelle. Le principal objectif de ce problème est de caractériser les nombres réels qui apparaissent comme valeurs propres de matrices symétriques à coefficients rationnels. Notations Dans tout le problème, si n et m sont des entiers naturels non nuls et ÆK est un corps, -- on note My n(K) l'ensemble des matrices à m lignes et n colonnes à coefficients dans X ainsi que M,(K) = Myn(K) l'ensemble des matrices carrées de taille n à coefficients dans K ; -- on identifie l'espace vectoriel X°" à l'espace vectoriel des vecteurs colonnes M, 1(K) : -- on note S,(K) l'ensemble des matrices symétriques carrées de taille n à coefficients dans K : -- si À EUR Myn(K), on note AÏ la matrice transposée de À et, si m = n, XA(X) = det(X 7, -- À) son polynôme caractéristique, qui est donc un polynôme unitaire ; -- si q1,...,Qn Sont des éléments de À, on note Diag(q1,...,qn) la matrice diagonale de taille n de coefficients diagonaux q1,...,Qn. Première partie 1. Exhiber une matrice M EUR S2(Q) dont V2 est valeur propre. 2. Le but de cette question est de montrer que V3 n'est pas valeur propre d'une matrice de S2(Q). On suppose qu'il existe M EUR S2(Q) telle que V3 est valeur propre de M. 2a. En utilisant l'irrationnalité de V3, montrer que le polynôme caractéristique de M est X? --3,. 2b. Montrer que si n EUR Z, alors n° est congru à 0 ou 1 modulo 3. 2c. Montrer qu'il n'existe pas de triplet d'entiers (x,y,2) premiers entre eux dans leur ensemble tel que x? + y° = 32°. 2d. Conclure. Sn(Q) telle que À° = g1,. Construire 3a. On se donne g EUR Q, n EUR N* et une matrice À EUR (44) et telle que B° = (q+1)Zon. une matrice B EUR S2n(Q) commutant à la matrice 3b. Montrer que pour tout d > 1, il existe n EUR N° et des matrices M:,..., Mg EUR S,(Q) qui commutent deux à deux et telles que A7 Ê -- k1,, pour tout entier 1 < k < d. 3c. Soit d > 1 un entier. En déduire que si g1,...,q4 EUR Q, q > 0, alors il existe n EUR N° et des matrices M1,..., Ma EUR S,(Q) qui commutent deux à deux et telles que M? = q;1, pour tout 1 << d. 4. Le but de cette question est de montrer que Y2 n'est pas valeur propre d'une matrice symétrique à coefficients dans Q. On raisonne par l'absurde, supposant l'existence d'une matrice M EUR S,(Q) (pour un certain entier n) dont Y2 est valeur propre. 4a. Montrer que X° -- 2 divise le polynôme caractéristique de M. (On pourra commencer par prouver que Y2 g Q.) 4b. Conclure. 5. Pour n EUR N*, construire une matrice M EUR S,(Q@) dont cos({7) est valeur propre. (On pourra commencer par construire une matrice orthogonale à coefficients dans Q qui admet e2iT/ pour valeur propre.) Deuxième partie Soit P(X) un polynôme unitaire de degré d > 1 à coefficients complexes que l'on écrit sous la forme : P(X) = ao + ai X + aX? +... +agX TT + XXE On suppose que ap £ 0. On note À1,..., 4 EUR C les racines de P(X) (avec multiplicité). Pour tout entier n > 1, on définit : Nu = ++... + 7, 6. Soit Q(X) le polynôme réciproque de P(X) défini par Q(X) = X4P(+). Montrer que : Q(X) = 1+ ag 1X +. +aX TT + a X {1 MX) Xe (1 -- XX) 7. On définit la fonction f : R\(RN {< ., x ) -- C par f(x) = PE Montrer qu'il existe r > 0 tel que f est développable en série entière sur |--r,r{, et que le développement en série entière de f en 0 s'écrit : Vx EUR I-rr(, f(x) -- D Naud. n=0 8a. Montrer que si ao,...,a4_1 sont des éléments de ©, alors N,, EUR Q pour tout n > 1. 8b. Réciproquement montrer que si N, EUR © pour tout n > 1, alors ap,...,aq_1 sont des éléments de Q,. 8c. En déduire que si u1,...,u4 sont des nombres complexes et si P(X) -- IIS. (X -- li), alors P(X) EUR Q[X1] si et seulement si d Vn>1, D WE Q. i=1 9. Soient n > 1 et m > 1 deux entiers et a1,...,Qn,01,..., 06m des nombres complexes. On définit : Montrer que si A(X) et B(X) sont à coefficients rationnels, alors les polynômes NN Om III -- &b;) et III -- Qi -- b;) 1 j--1 i=1 j=1 sont aussi à coefficients rationnels. Troisième partie On dit qu'un nombre complexe z est totalement réel (resp. totalement positif) s'il existe un polynôme P(X) non nul à coefficients rationnels tel que : (i) z est une racine de P, et (ii) toutes les racines de P sont dans R (resp. dans R}). 10. Soit M une matrice symétrique à coefficients dans Q. Montrer que les valeurs propres de M sont totalement réelles. 11a. Montrer que l'ensemble des nombres totalement réels est un sous-corps de R. (On pourra utiliser le résultat de la question 9.) 11b. Montrer que l'ensemble des nombres totalement positifs est inclus dans R:, est stable par addition, multiplication et que l'inverse d'un nombre totalement positif non nul est totalement positif. 12. Soit x un nombre complexe. Montrer que x est totalement réel si et seulement si x? est totalement positif. Quatrième partie Le but de cette partie est de montrer que, réciproquement, tout nombre totalement réel est valeur propre d'une matrice symétrique à coefficients dans Q. On note Z l'ensemble des nombres totalement réels et on admet qu'il existe une fonction t:.% -- Q vérifiant les deux propriétés suivantes : (i) pour æ,y EE & et À, E Q, on a t(Ax + ay) = At(x) + ut(y) (ii) pour x totalement positif, on a t(x) > 0 et l'égalité est stricte si x £ 0. On considère un nombre z totalement réel non nul. Par définition, il existe un polynôme unitaire Z(X) EUR Q[X] qui annule z. On écrit Z(X) sous la forme : ZX) = XY-- (ag 1X +... + a1X + ao) avec d E N° et a; EUR Q pour tout à EUR {0,...,d--1}. On suppose en outre que Z(X) est choisi de façon à ce que d soit minimal parmi les degrés des polynômes unitaires P(X) EUR Q[X1 tels que P(z) = 0. On considère la matrice $ de taille d x d dont le coefficient (i,j), 1 < 4,7 < d, vaut t(2*7)). Pour X,Y EUR R, on pose B(X,Y) = X7SY. 13a. Montrer que B(X, X) > 0 pour X EUR Qf, X Z 0. 13b. En déduire que la matrice $ est inversible. 14. Montrer que B est un produit scalaire sur R®. 15a. Montrer qu'il existe une base (e1,... ,e4) de RY avec e; EUR Qf pour tout i et B(e;,e;) = 0 pour à £ j. 15b. En déduire qu'il existe P EUR GLa(Q) et q1,...,qa EUR Q, & > 0, tels que : S -- PT. Diag(q1,...,qa) : P. On pose : [0 0 ... 0 ao \ I 0 7. 0 a] m=|, ". . 0 ag 0. 0 1 ay) 16. Calculer le polynôme caractéristique de M. 17a. Vérifier que la matrice SM est symétrique. 17b. En déduire que la matrice RMRT est symétrique où R = Diag(,/q1,..., /qa) : P. 18. Construire une matrice symétrique à coefficients rationnels dont z est valeur propre.
© Éditions H&K X/ENS Maths A MP 2020 -- Corrigé Ce corrigé est proposé par Florian Metzger (professeur en CPGE) ; il a été relu par Loïc Devilliers (professeur en CPGE) et Céline Chevalier (enseignant-chercheur à l'université). Ce sujet propose l'étude de valeurs propres de matrices symétriques à coefficients rationnels. En particulier, on étudie quels nombres réels peuvent en être valeurs propres. C'est le cas des racines carrées de nombres rationnels positifs, et plus généralement de tout nombre dit totalement réel, c'est-à-dire racine d'un polynôme rationnel scindé sur R. D'autres nombres, comme 3 2, ne peuvent pas être valeurs propres de telles matrices. · Dans la partie I, on montre que les nombres algébriques de degré 2 (racines de polynômes à coefficients entiers de degré 2) sont valeurs propres de matrices symétriques à coefficients dans Q, de même que les réels cos(2/n) avec n N . On montre que ce n'est pas le cas de 3 2. Un résultat fondamental pour le problème y est établi : il existe, pour tous rationnels strictement positifs q1 , . . . , qd , des matrices symétriques rationnelles M1 , . . . , Md commutant deux à deux et telles que Mi 2 soit la matrice d'une homothétie de rapport qi pour tout i [[ 1 ; d ]]. · Dans la partie II, on montre principalement le critère suivant : un polynôme unitaire de degré d est à coefficients rationnels si, et seulement si, les sommes de Newton de ses racines complexes µ1 , . . . , µd Nn = d X µk n k=1 sont dans Q pour tout n N . · Dans la partie III, on étudie les nombres totalement réels, ainsi que les nombres totalement positifs qui sont eux les nombres racines d'un polynôme rationnel scindé sur R dont toutes les racines sont dans R+ . En particulier, ces ensembles sont stables par addition, produit, et inversion d'élément non nul. Le dernier résultat prouvé est l'équivalence entre réalité totale d'un nombre et positivité totale de son carré. · La quatrième et dernière partie vise à montrer que tout nombre totalement réel est valeur propre d'une matrice symétrique à coefficients rationnels. Elle introduit une forme linéaire sur les nombres totalement réels, strictement positive sur les nombres totalement positifs. Cela permet de construire explicitement la matrice cherchée en fonction du nombre totalement réel. Le sujet est de difficulté progressive et les questions restent relativement abordables jusqu'à la partie III. La dernière partie demande plus de technique et de subtilité, ainsi qu'une connaissance pointue du cours et du recul pour l'adapter à la situation étudiée. Seule la dernière question est très difficile et demande une synthèse de tout le problème ainsi que beaucoup d'initiative. De nombreux thèmes au programme sont abordés : algèbre matricielle, produit scalaire, réduction, polynômes, nombres complexes, arithmétique, séries entières, ce qui en fait un joli et complet problème de concours. © Éditions H&K Indications Partie I 1 Utiliser l'expression du polynôme caractéristique d'une matrice de taille 2. 2.a Remarquer que (X - 3) divise M et que la trace et le déterminant sont des fonctions polynomiales en les coefficients d'une matrice. 2.b Raisonner par disjonction de cas suivant la classe de n modulo 3. 2.c Raisonner par l'absurde et examiner les congruences modulo 3. 2.d Utiliser encore l'expression de M en fonction de Tr M et det M. 3.a Chercher B par blocs de taille n dont un des blocs est A. 3.b Procéder par récurrence sur d en utilisant la question 3.a. 3.c Écrire qi = pi /p0 et utiliser des matrices Mi données par la question 3.b vérifiant Mi 2 = pi In pour tout i. 4.a Adapter la classique preuve par l'absurde de l'irrationalité de 2. 5 Trouver une matrice à coefficients entiers annulée par Xn - 1. Partie II 6 Prouver d'abord que Q est bien un polynôme. 7 Noter que 0 n'est pas racine de P et utiliser le développement en série entière de u 7 1/(1 - u). 8.a Penser au lien entre la somme d'une série et ses coefficients. La formule de Leibniz pourra être utile. 8.b Remarquer que Q0 (x) = f (x)Q(x) pour tout x différent d'une racine de Q, et raisonner par récurrence en utilisant l'expression des coefficients d'une série entière en fonction des dérivées de sa somme. 8.c Attention au cas où P admet pour racine 0. 9 Appliquer le résultat de la question 8.c après avoir explicité les sommes associées aux deux polynômes donnés, en se rappelant que P P P ai bj = ai × bj i,j i j Partie III 10 Utiliser le théorème spectral. 11.a Il s'agit de montrer que, si 1 , 1 sont racines de polynômes scindés sur R à coefficients rationnels, alors 1, 1 + 1 , 1 1 , -1 et 1/1 (pour 1 6= 0) le sont également. 11.b Le résultat de la question 11.a s'adapte très facilement. 12 Le sens réciproque est facile. Pour le sens direct, on pourra fixer un polynôme scindé sur R à coefficients rationnels dont x est racine et en déduire un polynôme dont les racines sont les carrées des précédentes. © Éditions H&K Partie III 13.a Remarquer que B est une forme bilinéaire symétrique sur Qd et utiliser sa forme développée. Noter également que x + µy R pour tous x, y R et tous , µ Q, de sorte que l'on peut appliquer les propriétés de définition de t. Pour la non nullité, on pourra se souvenir que d est le plus petit degré d'un polynôme unitaire à coefficients rationnels annulant z. 13.b Montrer que le noyau de S, vue comme matrice de Md (Q), est réduit au vecteur colonne nul. 14 Par définition, B est une forme bilinéaire symétrique sur Rd . La question 13.b montre que B est un produit scalaire sur Qd . Prolonger les propriétés par densité de Q dans R. On pourra montrer que sp S R+ et utiliser le théorème spectral. 15.a Adapter le procédé de Gram-Schmidt pour orthogonaliser, pour B, la base canonique de Rd , sans normer les vecteurs afin de garder des composantes rationnelles. 15.b Utiliser la matrice de passage de la base canonique à celle construite à la question 15.a. On rappelle que pour toutes matrices A, B de Md (R) : A=B (X, Y) Md,1 (R)2 XT A Y = XT B Y 16 Il s'agit du classique déterminant d'une matrice compagnon d'un polynôme. Montrer que M = Z en développant par rapport à la première ligne pour obtenir une formule de récurrence. 17.a Montrer que (SM)i,j = t(z i+j+1 ) pour tous i, j. On pourra utiliser la relation zd = d-1 P ak z k k=0 T 17.b Remarquer que S = R R. 18 Considérer des matrices Mi comme à la question 3.c. : elles joueront un peu le rôle de Diag ( q 1 , . . . , qd ). Poser M0 = Diag (M1 , . . . , Md ) Mnd (Q). Adapter le raisonnement de la question 17.b en cherchant F inversible pour qu'en définissant R0 = M0 F Diag (P, . . . , P) la matrice A = R0 Diag (M, . . . , M)(R0 )-1 réponde à la question. Remarquer enfin que A s'exprime simplement en fonction de M . © Éditions H&K Première partie 1 Si A M2 (Q), alors A = X2 - (Tr A)X + det A. Il suffit donc d'exhiber une matrice de S2 (Q) dont le polynôme caractéristique est X2 - 2, c'est-à-dire dont la trace est 0 et le déterminant -2. Par exemple, -1 La matrice M = 1 1 S2 (Q) admet 2 comme valeur propre. 1 2.a Soit M S2 (Q) admettant 3 pour valeur propre. D'après le cours, X - 3 divise (dans R[X]) son polynôme caractéristique M = X2 - (Tr M)X + det M qui est de degré 2 et unitaire. Fixons R tel que M = (X - résulte que et + 3 = Tr M 3 = det M 3)(X - ). Il en Or, Tr M Q et det M Q car M M2 (Q), d'après les formules polynomiales de la trace et du déterminant en fonction des coefficients. Par suite, 3(Tr M) = 3( + 3) = det M + 3 Si Tr M 6= 0 : 3 = (det M + 3)/ Tr M Q On obtient une contradiction, donc Tr M = 0 et alors = - 3. Finalement, M = (X - 3)(X - ) = X2 - 3 2.b Soit n Z. Distinguons suivant les congruences modulo 3 : · si n 0 mod 3, alors n2 02 0 mod 3 ; · si n 1 mod 3, alors n2 12 1 mod 3 ; · si n 2 mod 3, alors n2 22 4 1 mod 3. Ainsi, n Z n2 0 mod 3 ou n2 1 mod 3 2.c Soient x, y et z des entiers avec pgcd (x, y, z) = 1 et tels que x2 + y 2 = 3z 2 . Il en découle alors que x2 +y 2 0 mod 3. Or d'après l'étude réalisée à la question 2.b, le cas x2 + y 2 0 mod 3 ne se produit que pour x 0 mod 3 et y 0 mod 3. Fixons alors x0 Z et y 0 Z tels que x = 3x0 et y = 3y 0 . Il vient 3z 2 = 9(x0 )2 + 9(y 0 )2 donc z 2 = 3(x0 )2 + 3(y 0 )2 0 mod 3 Ainsi, z 2 0 mod 3, et donc z 0 mod 3 d'après la disjonction de cas faite à la question 2.b, donc x, y et z sont tous multiples de 3, en contradiction avec l'hypothèse pgcd (x, y, z) = 1. Pour tous entiers x, y, z tels que pgcd (x, y, z) = 1, on a x2 + y 2 6= 3z 2 .