Thème de l'épreuve | Sur quelques questions de calcul différentiel |
Principaux outils utilisés | fonction différentielle, exponentielle de matrice |
Mots clefs | calcul differentiel, topologie de Mn(R), exponentielles de matrices |
ÉCOLE POLYTECHNIQUE FILIÈRE MP CONCOURS D'ADMISSION 2010 PREMIÈRE COMPOSITION DE MATHÉMATIQUES (Durée : 4 heures) L'utilisation des calculatrices n'est pas autorisée pour cette épreuve. Sur quelques questions de calcul différentiel Notations et conventions Pour tout entier n > 0, on note h. , .i le produit scalaire euclidien usuel et || . || la norme associée sur Rn , Sn-1 la sphère de rayon 1 dans Rn , Mn (R) l'espace des matrices réelles à n lignes et n colonnes, In la matrice identité dans Mn (R), GLn (R) le sous-ensemble de Mn (R) des matrices inversibles, et SLn (R) celui des matrices de déterminant 1. On note Tr (M ) la trace d'une matrice f la matrice de ses cofacteurs, et l'on rappelle la formule M de Mn (R), t M sa transposée, M f = det(M ) In . M tM Si M est une matrice de Mn (R), on désigne par exp M son exponentielle, définie par + X Mk exp M = . On rappelle que l'application t 7 exp(tM ) de R dans Mn (R) est de classe k! k=0 C 1 , et que sa dérivée en 0 est M . De même, si est un endomorphisme d'un R-espace vectoriel + X k de dimension finie, on note exp() son exponentielle donnée par la série . k! k=0 Soit U un ouvert de Rn . Si f : U Rp est une application de classe C 1 , on note dfx sa différentielle au point x, soit : 1 h Rn , dfx (h) = lim (f (x + th) - f (x)) . t0 t Préliminaires 1a. Soient et deux formes linéaires sur Rn telle que ker ker . Montrer qu'il existe un réel tel que = . 1b. Soient , 1 , . . . , r des formes linéaires sur Rn telles que r \ ker i ker . Montrer que i=1 est combinaison linéaire de 1 , . . . , r . (Une méthode possible est de raisonner par récurrence sur r, en considérant, pour r 2, la restriction de et r à F = r-1 \ i=1 1 ker i ). Première partie 2. Soit : ] - 1, 1[ Rn une application de classe C 1 telle que t ] - 1, 1[, ||(t)|| = 1 . Montrer que pour tout t dans ] - 1, 1[, h(t), (t)i = 0. 3. Soit x Rn tel que ||x|| = 1 et soit v Rn , non nul, orthogonal à x. Montrer qu'il existe une application : ] - 1, 1[ Rn de classe C 1 telle que t ] - 1, 1[, ||(t)|| = 1, (0) = x et (0) = v. 4. Soit f : Rn R une fonction de classe C 1 , et soit g sa restriction à Sn-1 . Montrer que g admet des extremums. Si x est un extremum, en considérant une application comme ci-dessus, montrer qu'il existe un réel tel que dfx (h) = hx, hi, (h Rn ) . 5. Soit A une matrice symétrique de Mn (R). On définit f: ( Rn R . x 7 hx, Axi 5a. Montrer que f est de classe C 1 et calculer sa différentielle. 5b. Soit x un extremum de la restriction de f à Sn-1 . Montrer que x est vecteur propre de A. Deuxième partie Dans cette partie, on considère les fonctions suivantes : Mn (R) R X q : M 7 m2ij 1i,jn où mij est le coefficient de M sur la i-ème ligne et j-ième colonne, f: ( Mn (R) R M 7 det(M ) - 1 ainsi que la restriction de q à SLn (R), que l'on note g. 6a. Montrer que q(M ) = Tr (t M M ). 6b. Vérifier que (A, B) 7 Tr (t AB) définit un produit scalaire sur Mn (R). 6c. Montrer que q est de classe C 1 et calculer sa différentielle. 2 7. On note Eij la matrice de Mn (R) ayant pour coefficient 1 à la i-ième ligne et j-ième colonne, et 0 partout ailleurs. Soient M Mn (R) et t R. Exprimer det(M + tEij ) en fonction f. de det(M ), de t et des coefficients de la matrice M fH). En déduire que pour tout H Mn (R), dfM (H) = Tr (t M 8. Montrer que SLn (R) est fermé dans Mn (R) et que la restriction g de q à SLn (R) possède un minimum. 9. Soit M Mn (R). Montrer que det(exp M ) = eTr (M ) . 10. Soit M SLn (R) et soit H Mn (R) tels que dfM (H) = 0. Montrer que l'application : ( ] - 1, 1[ Mn (R) t 7 M exp(tM -1 H) est à valeurs dans SLn (R), de classe C 1 et vérifie (0) = M , (0) = H. 11. Soit M SLn (R) un point où la fonction g atteint son minimum, et soit H dans Mn (R) tels que dfM (H) = 0. 11a. Montrer que dqM (H) = 0. 11b. Déduire de ce qui précède que M est une matrice orthogonale. Que vaut alors g(M ) ? Troisième partie Dans cette partie, on se propose de calculer la différentielle en un point quelconque de l'application exp : Mn (R) Mn (R). On rappelle que GLn (R) est un ouvert de Mn (R). 12a. Soient C1 , C2 : R Mn (R) deux applications de classe C 1 . Posons B(t) = C1 (t)C2 (t). Montrer que B est de classe C 1 et que pour tout t dans R, B (t) = C1 (t)C2 (t) + C1 (t)C2 (t) . 12b. Soit C : R Mn (R) une application de classe C 1 . On suppose que pour tout t R, C(t) est inversible et on pose D(t) = C(t)-1 . Montrer que D est de classe C 1 et que pour tout t dans R, D (t) = -C(t)-1 C (t)C(t)-1 . 13. Soient C1 , C2 : R Mn (R) des applications de classe C 2 telles que C1 (0) = C2 (0) = In . 13a. Soient , R. Trouver une application A : R Mn (R) de classe C 1 telle que A(0) = In et A (0) = C1 (0) + C2 (0). 13b. Montrer qu'il existe > 0 tel que C1 (t) et C2 (t) soient inversibles pour tout t dans l'intervalle ] - , [. 13c. Pour tous s, t dans ] - , [, posons L(s, t) = C1 (s)C2 (t)C1 (s)-1 C2 (t)-1 . Calculer 2L st (0, 0) en fonction de C1 (0) et C2 (0). 3 14. Soit : GLn (R) GL(Mn (R)) défini, pour tout X dans GLn (R) par (X) : Y 7 XY X -1 . 14a. Montrer que est un morphisme de groupes. Montrer que les coefficients de XY X -1 sont des fractions rationnelles des coefficients de X et de Y . En déduire que est de classe C 1 . 14b. Montrer que dIn : Mn (R) L(Mn (R)) est donné, pour tous X, Y Mn (R) par dIn (X)(Y ) = XY - Y X . Dans la suite du problème, on pose (X) = dIn (X) : ( Mn (R) Mn (R) Y 7 XY - Y X . 15. Soit V un R-espace vectoriel de dimension finie et soit f : GLn (R) GL(V ) un morphisme de groupes de classe C 1 . 15a. Montrer que pour tout X GLn (R), pour tout H Mn (R), dfX (H) = f (X) dfIn (X -1 H) = dfIn (HX -1 ) f (X) . 15b. On fixe X Mn (R). On considère les applications a, b : R GL(V ) définies pour tout t R par a(t) = f (exp tX), b(t) = exp(t dfIn (X)) . Montrer que a = b. 15c. Retrouver le résultat de la question 9 en utilisant le résultat de la question 7. 15d. Montrer qu'avec les notations de la question 14, (exp X) = exp((X)), pour tout X Mn (R). 16. On fixe X, Y Mn (R). Pour tout s, t R, on pose u(s, t) = exp(s(X + tY )), A(s, t) = exp(-sX) u (s, t) . t 16a. Montrer que A(1, 0) = exp(-X) d expX (Y ). 16b. Déduire du calcul de A A (s, t) que (s, 0) = exp(-s(X))(Y ). s s 16c. Montrer que A(s, 0) = X (-1)n sn+1 n=0 (X)n (Y ). (n + 1)! 16d. En déduire une formule (sous forme de série) pour d expX (Y ). 4
X Maths 1 MP 2010 -- Corrigé Ce corrigé est proposé par Guillaume Dujardin (Chercheur à l'INRIA) ; il a été relu par Emmanuel Cornet (ENS Lyon) et Guillaume Batog (ENS Cachan). Cette épreuve se propose de répondre à quelques questions de calcul différentiel, principalement dans Mn (R). Elle se compose de trois parties précédées de deux questions préliminaires. · Les questions préliminaires ont pour but de montrer un résultat concernant des formes linéaires sur Rn , qui sera utilisé à de nombreuses reprises dans le reste de l'épreuve. · Dans la première partie, on considère une matrice symétrique réelle A et on montre que la fonction x 7 hx | Axi définie sur la sphère unité de Rn atteint son maximum en un vecteur qui est nécessairement un vecteur propre de A. · On montre dans la deuxième partie que la norme usuelle, définie sur Mn (R) par P 2 kMk = mij 16i,j6n est minorée sur SLn (R) etatteint son minimum exactement en les matrices orthogonales, où elle vaut n. · Enfin, dans la troisième partie, on démontre notamment la formule classique (et hors-programme) donnant l'expression de la différentielle de la fonction exponentielle en toute matrice X Mn (R) : P + d expX (Y) = exp(X) n=0 (-1)n (X)n (Y) (n + 1)! où (X) est l'endomorphisme de Mn (R) défini par (X)(Y) = XY - YX. Rédigé de manière attentive, ce sujet guidait les candidats dans la démonstration progressive de plusieurs résultats intéressants en eux-mêmes, à l'aide des seuls outils du programme. Comme il parcourt une très large partie du programme de MP, il permet à la fois de réviser et d'enrichir sa culture mathématique. Indications 1.a Discuter en fonction du rang de . 1.b Montrer le résultat plus général suivant : pour tout r > 1 et toutes formes linéaires , 1 , . . . , r définies sur un R-espace vectoriel de dimension finie, on a r T i=1 Ker i Ker = Vect (1 , . . . , r ) 2 Différentier la relation k(t)k2 = 1. 3 Poser (t) = x + tv puis (t) = (t)/k(t)k. 4 Justifier que Ker hx | ·i Ker dfx et utiliser la question 1.a. 5.a Écrire un développement limité à l'ordre 1 de f (x + h). 5.b Appliquer à f le résultat de la question 4. 2 6.c Développer l'expression q(M + H) pour (M, H) Mn (R) . 7 Montrer que det(M + tEij ) = det(M) + t m e ij . 8 Utiliser la relation SLn (R) = f -1 ({0}). 9 Montrer la formule pour M Mn (C) triangulaire, puis M Mn (C) quelconque. 10 Utiliser la question précédente et la question 7 pour montrer que det((t)) = e t Tr (M -1 H) =1 t 11.b Montrer qu'il existe R tel que dqM = dfM , puis que M M = (/2) In . 13.a Poser A(t) = C1 (t)C2 (t) 14.b Justifier que pour H suffisamment petit, In + H est inversible et P + (In + H)-1 = (-H)n = In - H + O(N(H)2 ) n=0 où N est la norme subordonnée à la norme euclidienne. 15.b Montrer que a et b sont de classe C 1 sur R et sont solutions du problème de Cauchy ( Y (t) = Y(t)dfIn (X) Y(0) = 0 15.c Prendre pour f la fonction déterminant et utiliser le résultat de la question 7 et l'égalité a(1) = b(1). 15.d Utiliser la question 15.b en t = 1 pour de bonnes fonctions a et b. 16.b Admettre que la fonction exponentielle est de classe C 2 sur Mn (R) et utiliser l'identité de Schwarz en (t, s) pour u. Préliminaires 1.a Rappelons que la dimension de l'image d'une forme linéaire sur Rn est soit 0 soit 1 suivant que la forme linéaire est nulle ou non. Le théorème du rang certifie alors que la dimension de son noyau est n si elle est nulle ou n - 1 sinon. Considérons deux formes linéaires et sur Rn telles que Ker Ker et construisons un réel vérifiant = . Si = 0, alors = 0 convient. Supposons désormais que 6= 0. Dans ce cas, dim Ker = n - 1. Puisque Ker Ker et dim Ker > n - 1, on a dim Ker = n - 1. Par suite, Ker = Ker n Soit x0 R un vecteur directeur d'un supplémentaire de Ker de sorte que Rn = Ker Rx0 Puisque (x0 ) 6= 0, on a (x0 ) 6= 0 car et ont le même noyau. Posons = Soit x Rn . Écrivons (x0 ) . (x0 ) x = xk + µ x0 avec xk Ker et µ R. Calculons (x) = = = = = = (x) = En conclusion, (xk + µx0 ) (xk ) + µ(x0 ) µ(x0 ) µ(x0 ) (xk ) + µ(x0 ) (xk + µx0 ) (x) car (xk ) = 0 par définition de car (xk ) = 0 = 1.b Montrons par récurrence sur r N la propriété P(r) : « Pour tout R-espace vectoriel E de dimension finie, toute famille de r + 1 formes linéaires , 1 , . . . , r définies sur E telle que r T Ker i Ker i=1 vérifie également Vect (1 , . . . , r ) » · P(1) : Soit E un R-espace vectoriel et et deux formes linéaires sur E telles que Ker Ker . Si E est de dimension nulle, alors toutes les formes linéaires sur E sont nulles et le résultat est trivial : = Vect (). Sinon, E est de dimension n N . Dans ce cas, à l'aide d'une base de E, on construit un isomorphisme de E dans Rn . Les applications e = -1 et e = -1 sont des formes linéaires sur Rn qui vérifient Ker e = (Ker ) et Ker e = (Ker ) Puisque Ker Ker par hypothèse, on a Ker e Ker e. Le résultat de la e Puisque question précédente assure alors qu'il existe R tel que e = . e = e et = , on en déduit que = . · P(r) = P(r + 1) : Soit E un R-espace vectoriel de dimension finie. Considérons r + 2 formes linéaires définies sur E, notées , 1 , . . . , r+1 telles que r+1 T i=1 Posons F = r T i=1 Ker i Ker Ker i et notons e et er+1 les restrictions respectives de et de r+1 à F. Constatons que et Ker e = Ker F L'inclusion précédente se réécrit Ker er+1 = Ker r+1 F F Ker r+1 Ker Par conséquent, F Ker r+1 Ker F Ker er+1 Ker e soit En appliquant le résultat P(1) aux formes linéaires sur F que sont e et er+1 , e on obtient l'existence de r+1 R tel que e = r+1 r+1 . Définissons une nouvelle forme linéaire sur E en posant = - r+1 r+1 Constatons que, pour x r T Ker i = F, on a i=1 (x) = (x) - r+1 r+1 (x) = e(x) - r+1 er+1 (x) (x) = 0 Ceci montre que r T i=1 car x F par définition de r+1 Ker i Ker On peut donc appliquer l'hypothèse de récurrence à la famille de r + 1 formes linéaires , 1 , . . . , r sur E pour conclure qu'il existe 1 , . . . , r R tels que = 1 1 + · · · + r r . Ceci s'écrit encore = 1 1 + · · · + r+1 r+1 On a ainsi démontré l'hérédité de la propriété P. · Conclusion : On a donc montré que P(r) est vraie pour tout r, c'est-à-dire Pour tout r > 1 et toutes formes linéaires , 1 , . . . , r définies sur un R-espace vectoriel de dimension finie, on a r T i=1 Ker i Ker = Vect (1 , . . . , r ) Le résultat demandé par l'énoncé correspond au cas E = Rn pour un certain n N .