Mines Maths 2 MP 2010 -- Corrigé
Ce corrigé est proposé par Sophie Rainero (Professeur en CPGE) ; il a été relu
par Pauline Tan (ENS Cachan) et Benoît Chevalier (ENS Ulm).
Ce problème, mêlant dénombrement, analyse et algèbre, porte sur les matrices
binaires, c'est-à-dire à coefficients dans {0 ; 1}, et plus précisément sur
l'ensemble
noté Un de celles d'ordre n dont la somme des coefficients de chaque ligne et
chaque
colonne vaut 2. Il se compose de quatre parties.
· Dans la première, on établit des résultats utiles dans la suite. On détermine
en particulier un vecteur propre commun à toutes les matrices de Un puis
on calcule la somme de tous les éléments de Un .
· La deuxième partie commence par des questions assez fines de dénombrement,
qui aboutissent à une relation de récurrence satisfaite par la suite (un )nN
des
des ensembles Un . On étudie ensuite la somme de la série entière
P cardinaux
un xn /(n!)2 à l'aide d'une équation différentielle.
· La troisième partie a pour finalité d'établir un équivalent du cardinal de Un
quand n tend vers l'infini. On y exprime les coefficients de la série entière
introduite précédemment, à l'aide de la fonction , et on obtient des équivalents
de ces coefficients.
· Dans la quatrième partie, on calcule le rang de la famille Un d'abord pour des
petites valeurs de n puis dans le cas général, en utilisant des raisonnements
d'algèbre linéaire et de dénombrement.
C'est un sujet intéressant, d'autant plus qu'il aborde des domaines variés du
programme de MPSI et MP (allant du dénombrement à la réduction en base
orthonormée en passant par les séries entières et les intégrales généralisées).
Les parties de
dénombrement sont amusantes et peuvent sembler plus faciles que celles
d'analyse.
Néanmoins, il faut se méfier des questions pour lesquelles l'intuition du
résultat vient
aisément, sans que l'on ait établi une démonstration rigoureuse : seuls les
candidats ayant défini proprement des bijections pour établir les égalités des
cardinaux
obtiennent la totalité des points. Dans l'ensemble, les questions d'analyse
sont classiques, à l'exception peut-être de la question 14 qui nécessite des
majorations assez
délicates pour démontrer l'équivalence demandée.
Indications
A. Questions préliminaires
3 Étudier les cas n = 2 et n = 3 pour avoir une idée du résultat. Puis, pour
chaque
couple (i, j) [[ 1 ; n ]]2 , introduire l'application qui échange les lignes 1
et i et
les colonnes 1 et j d'une matrice de Un .
B. Étude du cardinal de Un
4 Calculer Sn X0 de deux manières en utilisant les questions 2 et 3.
5 Partitionner l'ensemble Hn en (n - 1)2 sous-ensembles en fonction des
positions
comportant un 1 sur la première ligne et la première colonne.
6 Suivre l'indication de l'énoncé. Établir une bijection entre Un-2 et
l'ensemble des
matrices de Kn qui comportent un 1 en position (2, 2) d'une part, entre Kn-1 et
l'ensemble des matrices de Kn qui comportent un 0 en position (2, 2) d'autre
part.
7 Utiliser les résultats des questions 4, 5 et 6.
8 Procéder par l'absurde pour démontrer que
P
wn diverge.
9 Faire appel à la relation de récurrence trouvée à la question 7.
C. Équivalent d'une suite de coefficients
d'un développement en série entière
11 Utiliser le développement en série entière d'une fonction usuelle et la
formule
satisfaite par la fonction rappelée dans l'énoncé.
14 Se servir du résultat de la question 13 et majorer la différence des deux
intégrales
qui doivent être équivalentes à l'aide d'une intégration par parties.
15 Utiliser le résultat de la question 14 et faire apparaître (n+) par un
changement
de variable affine.
16 Appliquer ce qui précède avec = -1/2 et = 1/2.
D. Étude de rang
17 Suivre l'indication de l'énoncé. Que peut-on dire de la somme des
coefficients
d'une relation de dépendance linéaire de U3 ?
18 Si est une valeur propre de A associée au vecteur propre X0 , calculer t
X0 X0
de deux façons.
19 En notant P la matrice de passage de la base canonique de Rn à une base
orthonormée dont le premier vecteur est colinéaire à X0 , vérifier qu'une
matrice B est
t
dans Vn si et seulement si P B P a une certaine forme.
20 Pour minorer rn , construire une famille libre de (n - 1)2 matrices en
adaptant
la construction de B avec d'autres lignes et d'autres colonnes.
Les conseils du jury
Commençons par quelques remarques générales sur le sujet issues du rapport
du jury. Dans celui-ci, le rapporteur compare une épreuve de mathématiques
à « une sorte de jeu de piste dans lequel, partant d'une question souvent
simple, l'auteur s'efforce d'orienter le candidat vers la réponse en
fournissant une série d'indices qui doivent lui permettre de se diriger à
l'aide de ses
connaissances du cours et de sa perspicacité. » À l'opposé de toute incitation
au « bachotage stérile dont sont accusées régulièrement les classes
préparatoires », le sujet propose une « continuité dans la réflexion »,
contribuant ainsi
« à la mise en oeuvre [des] connaissances, au développement de l'esprit
scientifique et à l'initiation à la démarche de recherche. » Dans cet objectif
figurent
« plusieurs questions ponctuelles » permettant « aux étudiants désorientés de
faire au moins valoir leur connaissance du cours et leur capacité à résoudre
des exercices particuliers » et « de nombreuses questions ouvertes » mobilisant
les « capacités de réflexion [des candidats] pour faire usage des informations
[...] fournies par les questions précédentes du problème. » En conclusion,
le rapport explique les qualités attendues chez les étudiants pour réussir cette
épreuve. « Ce problème a donné à de nombreux candidats l'opportunité de
faire montre de la connaissance de leur cours et ils en ont été récompensés.
Mais plus encore l'ont été ceux qui ont su suivre quelques bouts du chemin
qui leur était tracé en faisant le lien entre les différentes questions. »
A. Questions préliminaires
1 Par définition, Un est l'ensemble des matrices réelles à n lignes et n
colonnes,
à coefficients dans {0 ;1}, comportant exactement deux 1 dans chaque ligne et
dans
chaque colonne. Notons dès à présent qu'une caractérisation des matrices de Un
est :
pour toute matrice A Mn (R), A appartient à Un si, et seulement si, tous ses
coefficients sont dans {0 ;1} et la somme des coefficients de chaque ligne et
chaque
colonne vaut 2. En particulier, l'ensemble U2 est un singleton car la seule
matrice
à deux lignes et deux colonnes vérifiant ces conditions est la matrice dont
tous les
coefficients sont égaux à 1.
1 1
U2 =
1 1
Déterminons maintenant les éléments de U3 . La première ligne d'une matrice
de U3 doit contenir deux 1 et un 0. Précisons d'abord les matrices de U3 dont la
première ligne est (0, 1, 1). La première colonne d'une telle matrice est
nécessairement
(0, 1, 1). Ainsi, il y a deux possibilités :
0 1 1
0 1 1
1 0 1
1 1 0
et
1 1 0
1 0 1
De même, il y a exactement deux matrices de U3 dont la première ligne est (1,
0, 1),
puisqu'alors la deuxième colonne ne peut être que (0, 1, 1), ce sont
1 0 1
1 0 1
1 1 0
0 1 1
et
0 1 1
1 1 0
En procédant de la même façon pour les matrices dont la première ligne est (1,
1, 0),
on conclut que les matrices de U3 sont
0
1
1
1
0
1
En conséquence,
1 1
0 1
1 0
0 1
1 1
1 0
0
1
1
1
1
0
u2 = 1
1 1
1 0
0 1
1 0
0 1
1 1
et
1
1
0
1
0
1
0
1
1
1
1
0
1
0
1
0
1
1
u3 = 6
2 Soit A = (aij )16i,j6n Un . Notons Y0 = (yi )16i6n = A X0 . Soit i [[ 1 ; n
]].
yi =
n
P
j=1
aij × 1 =
n
P
aij
j=1
Comme A est un élément de Un , la somme des coefficients d'une même ligne de A
vaut 2. Par suite, yi = 2 pour tout i [[ 1 ; n ]]. Ainsi, A X0 = Y0 = 2 X0 .
Finalement,
X0 étant non nul,
X0 est un vecteur propre de A associé à la valeur propre 2.
Cette question est très classique. Plus généralement, pour tout réel , on
peut démontrer que X0 est un vecteur propre associé à la valeur propre de
toute matrice dont la somme des coefficients de chaque ligne vaut .
3 Notons Sn la somme de toutes les matrices de Un . Commençons par observer que,
pour n = 2, on trouve
1 1
S2 =
= J = h2 J
1 1
puisque h2 = u2 = 1. Pour n = 3,
S3 = 4 J = h3 J
car h3 = 4 d'après la question 1.
Revenons à présent au cas général. Parmi les un matrices de Un , un nombre hn
d'entre elles comportent un 1 en position (1, 1) et les un -hn autres ont un 0
dans cette
position. Le coefficient de Sn en position (1, 1) est donc égal à hn .
Démontrons que les
autres coefficients de Sn ont la même valeur, c'est-à-dire que pour tout couple
(i, j)
d'entiers compris entre 1 et n, il y a exactement hn matrices de Un qui
comportent
un 1 en position (i, j). À cette fin, fixons un couple (i, j) [[ 1 ; n ]]2 et
introduisons
l'application i,j définie sur Un qui à une matrice A associe la matrice B
obtenue
à partir de A en échangeant la ligne 1 et la ligne i puis la colonne 1 et la
colonne j.
Pour tout A Un , i,j (A) est également dans Un et
i,j i,j (A) = A
On constate ainsi que i,j 2 est égale à l'identité, donc i,j est inversible et
réalise une
bijection sur l'ensemble fini Un , c'est-à-dire une permutation de Un . Notons
aussi que