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Mines Maths 1 MP 2020 -- Corrigé
Ce corrigé est proposé par Matthias Moreno Ray (professeur en CPGE) ; il a
été relu par Céline Chevalier (enseignant-chercheur à l'université) et Gilbert
Monna
(professeur honoraire en CPGE).
Soit E un espace vectoriel euclidien de dimension n. Un endomorphisme u L (E)
est dit nilpotent lorsqu'il existe p N tel que up = 0. Ce problème s'intéresse
aux sous-espaces vectoriels V de L (E) qui ne contiennent que des endomorphismes
nilpotents. L'objectif du problème est de montrer qu'un tel espace V a toujours
une
dimension inférieure ou égale à n (n - 1)/2, puis de déterminer les
sous-espaces de
ce type qui sont de dimension maximale. Plus précisément, on montre que dans ce
cas il existe une base B de E telle que tout élément de V est représenté dans B
par une matrice triangulaire supérieure stricte (c'est-à-dire avec des zéros
sur la
diagonale). On dit que l'on a fait une « réduction simultanée » des
endomorphismes
de V. La démonstration se fait par récurrence sur la dimension de E. Il s'agit
d'un
résultat relativement récent (théorème de Gerstenhaber, 1958).
· Dans la première partie, on montre quelques résultats techniques sur les
endomorphismes nilpotents. Les questions de cette partie sont de bons exercices
d'algèbre linéaire.
· Dans la deuxième partie, on met en place un mode de représentation des
endomorphismes de rang 1 à l'aide d'une opération définie à partir d'un produit
scalaire. Cet outil sera utilisé dans la démonstration du théorème. Cette partie
est plus abstraite que la précédente et demande de la rigueur conceptuelle.
· Dans la troisième partie, on montre deux lemmes qui sont au coeur de la
démonstration du théorème : une identité sur les traces des endomorphismes de V
et une condition suffisante pour avoir un vecteur qui annule tous les
endomorphismes de V. La difficulté de cette partie provient des notations. On y
utilise
une généralisation de la formule du binôme de Newton dans le cas de deux
endomorphismes qui ne commutent pas.
· La quatrième partie est la plus longue et contient la démonstration du
théorème,
par récurrence sur la dimension de E. On montre l'existence d'un vecteur x qui
annule simultanément tous les endomorphismes de V et on travaille ensuite avec
le restriction de ces endomorphismes sur l'hyperplan Vect (x) . Cette partie
utilise tous les résultats des parties précédentes et demande encore une fois
d'assimiler de nouvelles notations.
Ce problème étudie principalement des sous-espaces vectoriels de L (E) et des
applications entre ces sous-espaces, ce qui permet de se confronter à un niveau
d'abstraction élevé. Son originalité vient de ce qu'il privilégie les approches
spatiale et
vectorielle en limitant au maximum l'utilisation des matrices.
Si l'on admet le résultat de la première question, il peut être traité
intégralement
en fin de première année. Il constitue un bon entraînement sur le programme
d'algèbre
linéaire de MPSI.
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Indications
Partie I
1 Montrer que toute matrice M qui représente u est trigonalisable dans Mn (C),
puis semblable à une matrice de T++
n .
++
2 Donner un isomorphisme entre NB et T++
n (R), puis chercher une base de Tn (R)
constituée de matrices élémentaires.
Pour le caractère nilpotent, montrer par récurrence sur k [[ 1 ; n ]] que uk
(ej )
appartient à Fn-k pour tout j [[ 1 ; n ]], où Fn-k est l'espace engendré par
les n - k premiers vecteurs de la base B.
3 Pour l'inclusion {(u) | u NB } [[ 1 ; n ]], utiliser le résultat de la
question 4 qui
ne dépend pas de ce que l'on démontre ici.
Pour l'inclusion [[ 1 ; n ]] {(u) | u NB }, considérer l'endomorphisme de E
tel
que u(ei ) = 0 si i = 1 ou k + 1 6 i et u(ei ) = ei-1 sinon, avec k [[ 1 ; n
]] fixé.
4 Appliquer successivement up-1 , up-2 , . . . , u à une relation linéaire
entre les vecteurs de la première famille.
Pour la deuxième famille, appliquer d'abord uq puis poser z = up-q (x) et
appliquer successivement uq-1 , . . . , u.
5 Montrer d'abord que Im (up-1 ) Im (u) Ker (u). À l'aide de la question 4,
prouver ensuite que si z Im (up-1 ) r {0}, alors tout vecteur de Im (u) Ker
(u)
est colinéaire à z.
Partie II
6 Montrer que a x est dans l'ensemble d'arrivée indiqué, pour tout a E.
Établir
ensuite que a 7- a x est linéaire et injective. Justifier enfin que l'ensemble
d'arrivée a la même dimension que E.
7 Compléter x en une base de E et écrire la matrice de a x dans cette base.
Partie III
(k)
8 Procéder par récurrence pour l'existence et les valeurs de f0
(k)
et f1 .
9 Justifier que (u + t v)p = 0 et utiliser l'unicité de la relation démontrée à
la
question 8.
(k+1)
10 A l'aide des propriétés de la trace, simplifier Tr (f1
) à partir de sa valeur
donnée à la question 8. Montrer ensuite que (u + t v)k+1 est de trace nulle et
développer cette expression.
11 Établir que t 7- (a | (u + t v)p-1 (y)) est la fonction nulle, puis que
c'est une
fonction polynomiale en t. Utiliser l'égalité (K(V) ) = K(V).
12 Prouver l'existence par récurrence sur k. Considérer ensuite le cas k = p.
Partie IV
13 Montrer que v 7- v(x) et u 7- u sont linéaires.
14 Appliquer le théorème du rang à v 7- v(x) et u 7- u et voir Vx, W, V et Z
comme noyaux ou images de ces applications.
15 Justifier que Z {u L (E) | Im (u) Vect (x)} et utiliser l'isomorphisme de
la question 6.
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16 Noter v = a x et montrer que uk v = a uk (x). Appliquer ensuite le lemme A
et la question 7.
17 Montrer qu'un endomorphisme nilpotent n'a pas de valeur propre non nulle.
Obtenir alors que Vect (x) et Vx sont en somme directe.
18 Établir la relation par récurrence sur k.
19 Appliquer une partie de l'hypothèse de récurrence à V, puis utiliser les
résultats
des questions 14, 15 et 17.
20 Combiner les informations obtenues aux questions 14, 15, 17, 18 et 19.
21 Appliquer l'hypothèse de récurrence à V pour obtenir une base B0 de H et
montrer
que V = NB0 . Compléter ensuite B0 par le vecteur x.
22 Avec la question 5, montrer que Im (v p-1 ) Vect (v k-1 (x)) où k est le
plus petit
entier tel que v k (x) = 0. Utiliser ensuite la question 20.
23 Justifier que t 7- (v + t v0 )(x) s'annule au plus une fois sur R et en
déduire que
Im ((v + t v0 )p-1 ) Vect (x) Vx
Considérer ensuite f (t) = (a | (v + t v0 )(y)) pour t R, a (Vect (x) Vx) ,
et y E.
24 Raisonner par l'absurde.
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I. Généralités sur les endomorphismes nilpotents
1 Soit u N (E). Soit B une base de E et M = Mat B (u). Il est possible de voir
M
comme un élément de Mn (C). D'après un corollaire du théorème de
d'AlembertGauss, le polynôme caractéristique M de M est scindé dans C[X].
D'après le cours,
toute matrice dont le polynôme caractéristique est scindé est trigonalisable.
Par suite,
la matrice M est semblable à une matrice triangulaire supérieure T Mn (C).
Comme M et T sont semblables, les matrices Mk et Tk sont semblables pour
tout k N . Notons (1 , . . . , n ) les coefficients diagonaux de T. Comme T est
triangulaire supérieure, les coefficients diagonaux de Tk sont (1 k , . . . , n
k ) pour
tout k N. Comme u est nilpotent, il existe p N tel que up = 0. On a alors Mp
= 0
(car Mp représente up ) donc Tp = 0, d'où 1 p = · · · = n p = 0 et 1 = · · · =
n = 0.
Ainsi, les coefficients diagonaux de T sont nuls. Dès lors, pour tout entier
naturel k
non nul, comme la trace est un invariant de similitude, il vient
n
P
Tr (uk ) = Tr (Mk ) = Tr (Tk ) =
i k = 0
i=1
k N
Tr (uk ) = 0
Il est possible de montrer que la réciproque est vraie : si un endomorphisme u
d'un espace vectoriel de dimension finie vérifie Tr (uk ) = 0 pour
tout k N , alors u est nilpotent. Cette propriété caractérise donc les
endomorphismes nilpotents.
Pour démontrer cette réciproque, on raisonne par l'absurde en supposant
qu'une matrice M qui représente u a au moins une valeur propre complexe
non nulle. Notons 1 , . . . , r toutes les valeurs propres complexes non nulles
de M (deux à deux distinctes) et n1 , . . . , nr leurs multiplicités
respectives.
Comme M est trigonalisable dans Mn (C), il vient
k N
Tr (Mk ) = Tr (uk ) =
r
P
ni i k = 0
i=1
En regardant les r premières équations ainsi obtenues pour k [[ 1 ; r ]], on
voit
que (n1 , . . . , nr ) est solution d'un système homogène dont le déterminant D
est de type Vandermonde :
1
1 2
D= .
..
1 r
···
···
· · · r
· · · r 2
.. = (1 · · · r ) ×
.
···
···
r r
1
1
..
.
1 r-1
1
r
..
.
···
···
···
···
···
· · · r r-1
Celui-ci est non nul car les 1 , . . . , r sont tous non nuls et deux à deux
distincts. On en déduit que (n1 , . . . , nr ) = (0, · · · , 0), ce qui est
absurde.
Par suite, sp C (M) = {0}. Le polynôme caractéristique de M étant scindé
dans C[X], il vaut M = Xn , d'où Mn = 0 (Cayley-Hamilton), puis un = 0.
2 D'après le cours, l'application B : u 7- Mat B (u) est un isomorphisme
d'espaces
vectoriels entre L (E) et Mn (R). Par définition, NB = B -1 (T++
n (R)), donc les
ensembles NB et T++
n (R) sont en bijection par l'isomorphisme B . Montrons que
l'ensemble T++
n (R) est un sous-espace vectoriel de Mn (R) de dimension n (n - 1)/2.
En notant (Ei,j )(i,j)[[ 1 ; n ]]2 la base canonique de Mn (R), il vient
T++
= Vect (Ei,j | 1 6 i < j 6 n) n