Mines Maths 1 MP 2009 -- Corrigé
Ce corrigé est proposé par Gilbert Monna (Professeur en CPGE) ; il a été relu
par Jérôme Gärtner (ENS Cachan) et Laetitia Borel-Mathurin (ENS Cachan).
Le problème tire son origine de la théorie des probabilités : étant donné une
variable aléatoire de densité f , on se demande si les moments de la densité de
probabilité
déterminent la loi de probabilité ou, de façon équivalente, la densité f . Un
contreexemple dû à Stiljes, étudié dans la partie C, montre que la réponse est
en général
négative. On établit ensuite une condition suffisante pour que les moments de f
déterminent la loi de probabilité.
· La première question est un peu musclée mais s'inscrit dans un contexte très
simple. La suite du problème fait appel à une formule de Taylor, puis à de
l'analyse élémentaire avec des questions techniques destinées à être utilisées
dans la suite, quelquefois d'une simplicité un peu déconcertante.
· La partie B contient la seule question vraiment difficile du problème ; c'est
une
application très intéressante du théorème de Fubini, malheureusement compliquée
par un contexte technique et calculatoire.
· La partie C porte sur les intégrales généralisées ; elle permet de
s'entraîner à
leur manipulation, mais ne pose pas de difficultés.
· La partie D est encore un peu technique, avec le seul passage algébrique du
problème puisqu'on est confronté à une inégalité de Cauchy-Schwarz.
· La partie E, cerise sur le gâteau, donne une application judicieuse de l'une
des
intégrales dépendant d'un paramètre étudiées.
En résumé, il s'agit d'un problème intéressant et abordable avec un énoncé très
bien rédigé. Utilisant les grands outils du cours d'analyse, il est vivement
conseillé
de le traiter à mi-parcours, c'est-à-dire après les séries de fonctions, afin
d'assurer un
peu plus les bases avant de se lancer dans les séries entières et les séries de
Fourier.
Indications
1 Utiliser la formule de Leibnitz pour la dérivation d'une intégrale dépendant
d'un paramètre sans oublier d'hypothèses.
2 Penser à la formule de Taylor-Lagrange.
3 Vérifier que ha,b satisfait la condition de continuité d'un prolongement en 0
d'une fonction continue sur R .
4 Il n'y a pas d'égalité des accroissements finis pour une fonction à valeurs
dans C, mais il existe cependant une inégalité.
5 Commencer par écrire le développement en série entière de x 7 e x en x = k.
6 Chercher un changement de variable adéquat.
7 Utiliser la relation trouvée à la question précédente.
8 Commencer par expliciter le terme de gauche, puis inverser les intégrales
(en justifiant) pour enfin revenir à la forme trigonométrique de e ix .
9 Expliciter le résultat de la question précédente puis chercher une propriété
de l'intégrale d'une fonction continue positive qui pourrait être utile.
10 et 11 Pour la convergence des intégrales, utiliser les croissances comparées
et pour
les calculs le changement de variable u = ln x.
12 Remarquer que fa est le produit de f0 par une fonction bornée.
13 Utiliser l'inégalité de Cauchy-Schwarz.
14 Commencer par supposer k pair. Pour k impair, il faut utiliser la question
précédente et ne pas se laisser décourager par les calculs.
15 Utiliser la formule de Taylor-Lagrange.
n
|h|
bn (f ) par le terme général d'une
16 Utiliser la question 5 pour majorer
n!
série géométrique.
17 Faire une récurrence sur en appliquant le résultat de la question précédente
en A/2.
19 Calculer explicitement les a2k puis écrire f sous forme d'une série entière
dont on peut déterminer l'expression. Chercher, dans le préambule de
l'énoncé, une fonction g telle que g = f .
Les conseils du jury
Il faut être très soigneux dans la rédaction d'une question dont la réponse est
donnée : citez très précisément les théorèmes utilisés, ainsi que les
résultats antérieurs (avec les numéros des questions correspondantes), évitez
« de court-circuiter la moindre étape ».
Le jury conseille également aux candidats qui ne savent pas traiter une
question et qui en admettent le résultat pour continuer de le dire clairement :
« tout acte d'honnêteté est très apprécié ; en revanche, toute tentative
de dissimulation ou de tricherie indispose les correcteurs et peut être très
pénalisante. »
A. Questions préliminaires
1 Soit t R. Puisque f est à valeurs positives,
e itx f (x) = |f (x)| = f (x)
x R
Z
On a de plus
f (x) dx = 1
R
ce qui entraîne que
Z
e itx f (x) dx est une intégrale convergente, donc la fonction
R
x 7 e itx f (x) est intégrable sur R. En résumé,
f est défini sur R.
La dérivée partielle d'ordre k par rapport à t de la fonction (t, x) 7 e itx f
(x) est
(t, x) 7 (ix)k e itx f (x). Cette fonction est continue sur R × R. De plus,
k
(x, t) R2
(ix)k e itx f (x) = |x| f (x)
La fonction f admet des moments de tous ordres, ce qui signifie que la fonction
k
x 7 |x| f (x) est intégrable sur R pour tout entier naturel k. D'après le
théorème de
Leibnitz de dérivation d'une intégrale dépendant d'un paramètre, la fonction f
est
de classe C k pour tout k N et
Z
k N
(f )(k) (t) = (ix)k e itx f (x) dx
R
Quand on applique un théorème, il faut penser à vérifier toutes les hypothèses
soigneusement. Pour cette question, le rapport du jury mentionne :
« Les conditions de validité du théorème de convergence dominée ne sont pas
souvent vérifiées avec la précision et la rigueur requises. »
2 Désignons par f la fonction de R dans C définie par f (x) = e ix . On a
k N
donc
k N
f (k) (x) = ik e ix
x R
f (k) (x) = 1
x R
Soient x R et n N. Appliquons à f l'inégalité de Taylor-Lagrange en 0 :
f (x) -
n-1
P f (k) (0)
k=0
ce qui donne
k!
f (x) -
n
xk 6
|x|
n!
n-1
P (ix)k
k=0
k!
Sup
f (n) (t)
t[ 0 ;x ]
n
6
|x|
n!
Les trois formules de Taylor au programme sont distinguées par leur reste.
Le rapport du jury signale des confusions entre le reste de Young et le reste
de Lagrange.
3 Soient (a, b, t) R3 . On a
e -ita - e -itb = 1 - ita + o(it) - (1 - itb + o(it)) = it [(b - a) + o(1)]
e -ita - e -itb
=b-a
t0
it
La fonction ha,b est continue sur R par les théorèmes généraux et, d'après ce
qui
précède, la limite quand t tend vers 0 de ha,b (t) est égale à ha,b (0). De ce
fait, ha,b est
continue en 0. Au final,
On en déduit que
lim
La fonction ha,b est continue sur R.
4 Soit t un réel. En appliquant l'inégalité des accroissements finis à la
fonction de R
dans C définie par f (x) = e itx , on obtient
|f (a) - f (b)| 6 (b - a) Sup |f (x)|
x[ a ;b ]
Il suffit alors de remarquer que |f (x)| = |t| pour tout réel x pour obtenir
|f (a) - f (b)| 6 (b - a) |t|
Ainsi,
t R
|ha,b (t)| 6 b - a
Comme l'inégalité demandée est clairement vérifiée pour t = 0 puisque ha,b (0)
= 0,
on a bien
t R
|ha,b (t)| 6 b - a
Rappelons, comme le fait le rapport du jury, que pour les fonctions à valeurs
complexes (comme pour les fonctions à valeurs vectorielles) on a une inégalité
des accroissements finis, mais l'égalité n'est plus vraie.
P kn
n=0 n!
+
5 Par définition, pour tout k N,
ek =
Comme une somme de nombres positifs est supérieure ou égale à chacun de ses
termes, en prenant le terme d'indice n = k, on obtient bien
k N
ek >
kk
k!