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Mines Maths 1 MP 2006 -- Corrigé
Ce corrigé est proposé par Guillaume Dujardin (ENS Cachan) ; il a été relu par
Roger Mansuy (Professeur en CPGE) et Walter Appel (Professeur en CPGE).
Ce sujet a pour objectif de démontrer une version du théorème de
PerronFrobenius, qui est un résultat important d'algèbre.
De nombreux problèmes peuvent être modélisés et exprimés par une relation
faisant intervenir une matrice, notons-la T, par exemple en théorie des
graphes, en
probabilités (chaînes de Markov), dans les systèmes dynamiques discrets, dans
l'étude
des suites récurrentes, etc. Sous certaines conditions, le comportement
asymptotique
est essentiellement contrôlé par le module de la plus grande valeur propre de T.
L'enjeu du théorème de Perron-Frobenius est de donner une condition suffisante
pour
qu'une matrice admette une valeur propre positive supérieure aux modules de
toutes
les autres valeurs propres. En outre, cette valeur propre est alors de
multiplicité 1 et
il existe un vecteur propre associé dont les coefficients sont tous strictement
positifs.
Ce résultat admet de très nombreuses applications pratiques.
L'énoncé se place résolument dans un cadre probabiliste (sans demander un
quelconque raisonnement de probabilités) en introduisant des matrices, dites
stochastiques, dont chaque coefficient est compris entre 0 et 1, et dont la
somme sur une
colonne vaut 1 : ces nombres s'interprètent naturellement comme des
probabilités.
Pour ces matrices, l'hypothèse classique du théorème est que T soit
irréductible,
c'est-à-dire qu'elle ne soit pas semblable, via une matrice de permutation, à
une matrice triangulaire par blocs (cette propriété a une interprétation
naturelle dans les
chaînes de Markov). Cette condition est équivalente à ce que tous les
coefficients de
(In + T)n-1 soient strictement positifs, et c'est la formulation retenue par
l'énoncé.
L'épreuve se compose de deux parties :
· Dans la première partie, on démontre l'existence d'un vecteur propre x0 de T,
pour une certaine valeur propre 0 > 0 qui majore le module des autres valeurs
propres de T, et dont toutes les composantes sont strictement positives. Tout
en se familiarisant avec les notations introduites par l'énoncé, on est amené à
utiliser des propriétés de compacité dans l'espace normé Rn et à manipuler des
bornes supérieures de parties de R.
· Dans la seconde partie, on établit les autres propriétés annoncées dans le
théorème de Perron-Frobenius, cité dès les préliminaires. On introduit des
suites de
matrices stochastiques convergentes de sorte que la matrice limite (elle aussi
stochastique) ait les propriétés souhaitées pour conclure ; on admet toutefois
que dim Ker (T - In ) = 1.
Ces deux parties sont largement indépendantes : il suffit en effet d'admettre le
résultat principal de la première partie (donné à la question 13) pour pouvoir
traiter
la seconde dans son intégralité. Le sujet peut par ailleurs paraître un peu
long pour
une épreuve de trois heures.
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Indications
Partie I
I.3 Utiliser le résultat de la question précédente.
I.4 Utiliser le fait que P est strictement positive et qu'un vecteur de B est
toujours
non nul.
I.5 Utiliser le fait que P et T commutent pour montrer successivement que
x Px , puis que, si x B, alors Tx B.
I.6 Utiliser la question 3.
I.7 Raisonner par l'absurde en supposant que Tx - (x)x 6= 0.
I.8 Remarquer que C B et utiliser le résultat de la question 4.
I.9 Dans un premier temps, montrer que P(C) est compacte.
I.10 Utiliser le résultat de la question 5.
I.11 Utiliser le résultat de la question 3.
I.12 Utiliser les questions précédentes.
I.13 Montrer que 0 = (Px0 ) et faire la synthèse des résultats précédents.
Partie II
II.14 T étant stochastique, elle est positive.
II.15 Utiliser la question précédente et le fait qu'un vecteur propre est, par
définition,
non nul.
II.16 Utiliser le fait que T est positive, puis le fait qu'elle est
stochastique.
II.17 Justifier que 1 est valeur propre de T et utiliser le résultat de la
question 13.
II.18 Notons e = t (1, . . . , 1) Rn . Vérifier qu'une matrice S de Mn,n (R)
est stot
chastique si et seulement si elle est positive et S e = e. Utiliser ensuite
cette
caractérisation.
II.19 Utiliser le fait que la norme k · k1 est une norme matricielle
subordonnée à une
norme sur Rn .
II.20 Utiliser la définition de Rk .
II.21 Montrer que la suite (Rk x)k>1 est bornée dans (Rn , k · k1 ).
II.22 Utiliser le résultat de la question 20.
II.23 Utiliser le fait que Rm et Rl sont des polynômes en T.
II.24 Raisonner par l'absurde en supposant que la suite (Rk x)k>1 admet au moins
deux valeurs d'adhérence distinctes et utiliser la question précédente. Utiliser
la question 21 pour conclure.
II.25 À l'aide de la question précédente, justifier que la suite (Rk x)k>1
converge.
II.26 Constater que T commute avec Rk et effectuer un passage à la limite.
II.27 Utiliser le résultat de la question 20 et deux passages à la limite.
II.28 Montrer que Ker (T - In ) = Im R et que Im (T - In ) = Ker R à l'aide de
la
question précédente et du théorème du rang.
II.29 Utiliser l'énoncé du théorème de Perron-Frobenius donné par l'énoncé pour
conjecturer l'expression de Rx.
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I. Un vecteur propre strictement positif
1
Avant de commencer ce corrigé, nous attirons l'attention du lecteur sur le fait
que si les matrices stochastiques, qui interviennent naturellement en théorie
des probabilités, sont « positives » au sens donné par l'énoncé, la notion
de positivité qui est utilisée pour les définir n'a que peu de rapport avec
celle des matrices symétriques « positives » qui figurent au programme de
mathématiques des classes de MP.
Soit x un élément de B. Montrons que x est un ensemble non vide car il contient
0.
Puisque T est une matrice positive de Mn,n (R), il vient que, pour tout i {1,
. . . , n},
n
P
le réel (Tx)i =
tij xj est positif en tant que somme de produits de réels positifs.
j=1
On a donc
i {1, . . . , n}
(0x)i = 0 6 (Tx)i
Ceci s'écrit encore 0x 6 Tx. On en déduit que 0 x .
Montrons maintenant que x est borné. Puisque x B, on a x 6= 0. On en déduit
qu'il existe i {1, . . . , n} tel que xi > 0. Ainsi, pour tout x , on a xi 6
(Tx)i .
Ceci prouve que x est borné par (Tx)i /xi .
Enfin, on montre que x est fermé. Si (m )mN est une suite d'éléments de x
convergeant vers R, alors
i {1, . . . , n} m N
(m xi ) 6 (Tx)i
On en déduit, en passant à la limite quand m tend vers l'infini dans cette
inégalité,
que, pour tout i {1, . . . , n}, xi 6 (Tx)i . Cette dernière inégalité valant
pour tout
i, on en déduit que x 6 Tx. Puisqu'en outre R+ comme limite de réels positifs,
on a finalement x . On a donc montré que
x est une partie non vide, fermée et bornée de R.
En fait, x est une partie non vide fermée et bornée bien particulière de R.
En effet, c'est un segment, comme le lecteur pourra aisément le montrer en
adaptant la réponse à la question suivante : x = [ 0 ; (x) ].
2 D'après la question précédente, x est une partie non vide et majorée de R ;
elle
admet donc une borne supérieure. x étant en outre fermée dans R, on en déduit
que sa borne supérieure est aussi son plus grand élément. Ceci justifie la
définition
de (x). Notons
(Tx)i .
Mx = min
1 6 i 6 n et xi 6= 0
xi
Si x , alors pour tout i {1, . . . , n} tel que xi 6= 0, on a xi 6 (Tx)i ,
et donc
6 (Tx)i /xi . On en déduit que 6 Mx . Puisque (x) x , on a en particulier
(x) 6 Mx
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En outre, si x est tel que < Mx , alors on peut choisir > 0 tel que
+ 6 Mx . On a alors pour tout i {1, . . . , n} tel que xi 6= 0,
( + )xi 6 Mx xi 6
(Tx)i
xi = (Tx)i
xi
De plus, pour i {1, . . . , n} tel que xi = 0, on a trivialement 0 = ( + )xi 6
(Tx)i .
On en déduit + x . On a donc montré qu'aucun élément de x strictement
inférieur à Mx n'est un majorant de x . Or (x) est le plus grand élément de x .
On en déduit Mx 6 (x).
Finalement, on a montré que
(Tx)i .
(x) = min
1 6 i 6 n et xi 6= 0
xi
3 Soient x B et > 0. Pour tout i {1, . . . , n}, on a l'équivalence
(x)i 6= 0 xi 6= 0
et l'identité
(T(x))i = (Tx)i
(T(x))i
(Tx)i
(Tx)i
=
=
. On en déduit que
(x)i
xi
xi
(Tx)i .
(T(x))i .
1 6 i 6 n et xi 6= 0 =
1 6 i 6 n et (x)i =
6 0
xi
(x)i
Ainsi, si xi 6= 0, alors
et donc, avec la question précédente
(x) = (x)
4 Soit x B. Il existe j0 {1, . . . , n} tel que xj0 > 0. Alors, puisque P est
strictement positive, on a, pour tout i {1, . . . , n},
(Px)i =
n
P
pij xj > pij0 xj0 > 0
j=1
On en déduit que Px B+ . Donc
P(B) B+
5 Remarquons que, si x et y sont des vecteurs de Rn tels que 0 6 x 6 y et si
M Mn,n (R) est positive, alors Mx 6 My. En effet, pour tout i {1, . . . , n},
on a
(Mx)i =
n
P
mij xj 6
j=1
n
P
mij yj = (My)i
j=1
Soient maintenant x B et x . Par définition de x , on a 0 6 x 6 Tx. La
matrice P étant positive, on déduit de la remarque ci-dessus que P(x) 6 PTx. En
outre, puisque la matrice P = (In + T)n-1 est un polynôme en T, elle commute
avec
T. On a donc Px 6 TPx et par conséquent Px . Finalement, on a montré que
pour tout x B, x Px . On en déduit
x B
(x) 6 (Px)