Centrale Maths 1 MP 2004 -- Corrigé
Ce corrigé est proposé par Walter Appel (Professeur en CPGE) ; il a été relu
par Vincent Puyhaubert (Professeur en CPGE) et David Lecomte (Université de
Stanford).
Ce problème vise à étudier une fonction F, définie sur une partie de C, et à
valeurs
complexes, par
Z 1
ln(t) · ln(1 - t)
F(z) =
t-z
dt.
t
0
L'un de ses intérêts est qu'il utilise toutes les parties du programme d'analyse
de seconde année : majorations de toutes sortes, équivalents, séries numériques,
séries de fonctions (à intégrer, dériver, etc.), séries entières, séries de
Fourier,
intégrabilité sur un intervalle non compact, intégrales à paramètres, etc.
Il montre de plus, dans un cas particulier, quelques résultats généraux sur les
fonctions de la variable complexe (qui sont au programme de première année de
toutes les écoles d'ingénieur). Les démonstrations sont toujours élémentaires
(ce qui
ne veut pas dire qu'elles sont toujours simples !) et ne requièrent bien
entendu que
les connaissances du programme de deuxième année.
· Une première partie, assez courte, vise à calculer la valeur d'une série
numérique.
· Dans une deuxième partie, on commence par montrer des propriétés de
régularité de F : elle est de classe C sur un demi-plan ouvert de C assimilé à
une
partie de R2 , son laplacien est identiquement nul et F admet, au voisinage de
0,
un développement en série entière de la forme
Z
P
1 1
k
F(z) =
ck z
où
ck =
(- ln t)k p(t) dt
(1)
k! 0
k=0
· Dans la dernière partie, on établit un second développement en série de F,
sous la forme
P
1
F(z) =
n(n
-
z)2
n=1
Plusieurs propriétés découlent de cette formule, qui sont proposées à la
sagacité
des candidats. De plus, on montre que cette formule permet de prolonger F
en une fonction, toujours de classe C , à un domaine beaucoup plus vaste
de C ; c'est ce que l'on appelle un prolongement analytique de F.
Au total, ce problème est très long et très technique (les différents théorèmes
d'interversion de limites, intégrales, sommes, etc., sont constamment employés,
et souvent dans des cas délicats) ; certaines questions sont très difficiles,
ou trop
longues pour qu'on puisse en espérer une résolution complète en temps limité.
Néanmoins, il peut fournir un très bon sujet d'étude, juste avant les écrits,
pour
des candidats ambitieux cherchant à revoir l'ensemble du programme d'analyse.
Indications
I.A.2 Utiliser le théorème de Dirichlet en t = /2.
I.B.1 Développer en série entière l'intégrande de la question suivante !
I.B.2 Effectuer proprement (c'est-à-dire en coupant en 0) une intégration par
parties.
I.B.3 Appliquer le théorème d'intégration terme à terme.
I.B.4 Faire apparaître des (n + 1) et (2n + 1) au dénominateur, puis effectuer
une
décomposition en éléments « presque simples » de la forme
1
a
b
=
+
(n + 1)(2n + 1)2
(n + 1)(2n + 1) (2n + 1)2
II.A Montrer que le module de l'intégrande est équivalent à |ln t| /tx .
II.B. Utiliser le théorème de convergence dominée et la caractérisation
séquentielle
de la limite.
II.C.1 Montrer que la limite est +. Pour cela, couper judicieusement l'intégrale
au voisinage de 0.
II.C.2 Reconnaître la dérivée « sous le signe somme » d'une intégrale simple.
II.C.3 Remarquer que F - G peut s'écrire sous la forme d'une intégrale à
paramètre,
bien définie en x = 1. Utiliser le théorème de continuité pour les intégrales
à paramètres.
II.E.1 Montrer que l'on peut dériver sous le signe somme, par rapport à x ou par
rapport à y, et ce autant de fois que l'on veut.
II.F.1 Écrire la formule de Taylor-Young à l'ordre 1.
kf
II.F.2 Montrer par récurrence que Dk F =
.
xk
II.H.1 Montrer que, si f est continue et intégrable sur [ 0 ; 1 [, alors
Z 1
k
|ln t|
lim
f (t) dt = f (0)
n 0
k!
ck
En déduire que
tend vers 1.
k+1
III.A.2 Reconnaître la dérivée « sous le signe somme » d'une intégrale simple.
III.B.2 Montrer que est équivalent au premier terme de la série.
III.C.1 Utiliser le théorème d'intégration terme à terme. Puis montrer que H
tend
vers 0 et donc que |H|2 6 |H| au voisinage de +
- .
III.C.2 Séparer les cas selon les signes de et et utiliser l'inégalité m + n
> 2 mn.
III.C.3 Décomposer l'intégrande en éléments simples.
III.D.2 Utiliser l'inégalité des accroissements finis.
e contenant z, la série de fonctions
III.D.3 Montrer que, sur tout ouvert borné de
définissant
F(w) - F(z)
w 7-
w-z
converge normalement, grâce à la majoration de la question III.D.2.
III.E.1 Montrer que ck = Dk F(0)/k! .
P
III.E.2 Montrer que S(k) =
n-(k+3) tend vers 1 quand k .
n=1
I.
Calcul de la somme d'une série
I.A.1 Comme à chaque fois que l'on doit calculer des coefficients de Fourier,
commençons par représenter la fonction :
-
Notons an et bn les coefficients en cosinus et sinus. Puisque f est impaire :
n N
an = 0
Par ailleurs,
Z
Z
2
2 cos(nt)
2
1
f (t) sin(nt) dt =
sin(nt) dt = -
=-
(-1)n - 1
bn =
-
0
n
n
0
c'est-à-dire que
n N
b2n = 0
et
b2n+1 =
4
(2n + 1)
Les sommes partielles de Fourier sont donc
n N
t R
n sin (2k + 1)t
4P
S2n f (t) = S2n+1 f (t) =
k=0
2k + 1
I.A.2 La fonction f est de classe C 1 par morceaux et vérifie, pour tout réel x,
la relation
1
f (x) =
lim+ f (x + h) + lim+ f (x - h)
2 h0
h0
Le théorème de Dirichlet assure donc que
La suite (Sn f )nN converge simplement vers f sur R.
ce qui s'écrit
t R
sin (2n + 1)t
4 P
f (t) = lim Sn (f ) =
n
n=0
2n + 1
(2)
Bien sûr, la convergence simple n'est pas la seule que l'on peut montrer.
Notamment,
la continuité par morceaux de f implique que
Z
2
lim
|Sn f - f |2 = 0
n -
c'est-à-dire que :
La suite (Sn f )nN converge en moyenne quadratique vers f sur R.
La fonction f n'étant pas continue, on n'a en revanche ni convergence normale
ni convergence uniforme.
En appliquant la formule (2) en t =
, on obtient sin (2n + 1)
= (-1)n
2
2
et donc
(-1)n
4 P
=1=
f
2
n=0 2n + 1
(-1)n
P
=
4
n=0 2n + 1
d'où
Un exercice classique consiste à retrouver ce résultat en utilisant le
développement en série entière de la fonction Arctan :
x ] -1 ; 1 [
Arctan x =
(-1)n x2n+1
P
2n + 1
n=0
On montre ensuite que ce développement est continu en 1 (c'est-à-dire
au bord de l'intervalle ouvert de convergence) : une majoration uniforme
du reste de cette série, qui est le reste d'une série alternée, prouve la
convergence uniforme sur [ 0 ; 1 ].
I.A.3 La fonction f étant continue par morceaux, la formule de Parseval
s'applique :
Z
1
1P
2
2
2
|bn | = kf k2 =
f (t) dt = 1
2 n=0
2 -
ce qui donne
S1 =
1
2
=
2
8
n=0 (2n + 1)
P
|x2n |
6 |x2n |
n+1
Le membre de droite est le terme général d'une série géométrique, convergente
dès que
|x2 | < 1. D'après le théorème de comparaison des séries positives, la série définissant L converge si x est dans ] -1 ; 1 [. Si |x| = 1, alors on reconnaît la série harmonique, notoirement divergente. Enfin, si |x| > 1, la série diverge grossièrement, car son terme général ne tend
pas vers 0.
I.B.1 On a
x R
La série entière L est de rayon 1 et converge sur ] -1 ; 1 [.
La série définissant L fait penser au développement en série entière de la
fonction
x 7- - ln(1-x), à ceci près que l'on a x2n au lieu de xn et un n+1 au
dénominateur
au lieu du n attendu. Qu'à cela ne tienne, posons, pour tout x ] -1 ; 1 [ r
{0} :
xn
P
xn
1P
1
K(x) =
=
= - ln(1 - x)
n
+
1
x
n
x
n=0
n=1
alors on a L(x) = K(x2 ), c'est-à-dire
2
- ln(1 - x )
x2
L(x) =
1
pour tout x ] -1 ; 1 [ r {0}
pour x = 0
cette fonction étant bien sûr continue en 0.