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CCINP Maths 2 MP 2021 -- Corrigé
Ce corrigé est proposé par Jean-Paul Bonnet (professeur en CPGE) ; il a été relu
par Christophe Fiszka (professeur en CPGE) et Tristan Poullaouec (professeur en
CPGE).
Ce sujet traite de la réduction des endomorphismes et plus précisément de la
décomposition de Dunford, c'est-à-dire l'écriture de tout endomorphisme u,
scindé,
sous la forme u = d + n avec d diagonalisable et n nilpotente. Ce théorème est
admis.
Le sujet est composé d'un très court exercice et d'un problème en quatre
parties.
Ce dernier illustre sur des exemples cette décomposition, en donne des
applications,
puis en établit l'unicité.
· Dans l'exercice, on détermine l'orthogonal de l'espace vectoriel des matrices
diagonales. C'est la seule question en lien avec les espaces euclidiens.
· Dans la partie I du problème, on nous propose d'étudier des exemples de la
réduction de Dunford en dimensions 2 et 3, ainsi qu'une application de cette
décomposition au calcul d'une exponentielle de matrice.
· Dans la partie suivante, deux preuves de l'existence de la décomposition de
Dunford sont illustrées sur un exemple.
· Dans la partie III, on démontre l'unicité de la décomposition de Dunford.
C'est
l'occasion de démontrer des résultats classiques sur les endomorphismes
nilpotents et sur la codiagonalisabilité des endomorphismes.
· Dans la dernière partie, on établit que l'application qui, a une matrice
complexe,
associe la partie diagonalisable de sa décomposition, n'est pas continue. Pour
cela, on démontre et exploite la densité dans Mn (C) de l'ensemble des matrices
complexes diagonalisables.
Pour traiter ce sujet, il fallait maîtriser les fondamentaux de l'algèbre
linéaire, les
résultats et les techniques portant sur la réduction, ainsi que les principales
propriétés des endomorphismes nilpotents. Certaines questions font appel à des
résultats
de topologie des espaces vectoriels normés de dimension finie. Une question
traite
d'orthogonalité.
Si le sujet n'est pas original, il constitue un incontournable de la
préparation et
un excellent moyen de tester sa connaissance du cours et de ses applications
directes.
Il est par ailleurs relativement progressif et plutôt court, ce qui permet de
le terminer
dans le temps imparti.
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Indications
1 Trouver une base B de Dn (R). Une matrice appartient à Dn (R) si, et seulement
si, elle est orthogonale à toute matrice de B.
Partie I
2 Penser à l'unicité du couple, la caractérisation d'une matrice trigonalisable
et à
l'hypothèse de commutativité des éléments du couple.
3 Choisir une matrice dont le polynôme caractéristique est irréductible dans R.
4 Remarquer qu'il n'existe qu'une seule matrice diagonalisable D admettant A
comme polynôme caractéristique puis considérer N = A - D.
5 Remarquer que la série exp(N) ne comporte que deux termes non nuls.
6 Vérifier que le couple proposé a les bonnes propriétés. Conclure par unicité.
Partie II
7 Remarquer que le polynôme minimal est donné dans la question.
9 Séparer la matrice B en sa partie diagonale et sa partie triangulaire
supérieure
stricte. Utiliser les formules de changement de base.
10 Multiplier la décomposition en éléments simples par (X - 1)(X - 2)2 pour
obtenir
la relation de Bézout demandée.
12 Utiliser la question 11 qui permet d'exprimer p et q comme polynômes en u.
Partie III
14 Montrer que A - B est semblable à une matrice diagonale.
15 Utiliser astucieusement la formule du binôme de Newton.
17 Combiner les réponses des questions 14, 15 et 16.
Partie IV
18 Montrer que D n'est pas stable par addition. Une application linéaire en
dimension
finie est continue.
20 Utiliser les questions 2, 18 et 19 et procéder par l'absurde.
Publié dans les Annales des Concours
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Exercice
1 Soit i [[ 1 ; n ]] ; on pose Ei,i la matrice dont tous les coefficients sont
nuls, sauf
celui à l'intersection de la i-ième ligne et de la i-ième colonne qui vaut 1.
Il est clair
que Dn (R) = Vect {Ej,j | j [[ 1 ; n ]]} d'où
Dn (R) = {Ei,i | i [[ 1 ; n ]]} =
n
T
Ei,i
i=1
Soit A = (ai,j )16i,j6n une matrice de Mn (R) et i [[ 1 ; n ]], alors
0 · · · 0 ai,1 0 · · · 0
t
..
..
..
..
A Ei,i = ...
.
.
.
.
0
···
0
ai,n
0
···
0
Par suite, hA | Ei,i i = ai,i , d'où
A Ei,i hA | Ei,i i = 0 ai,i = 0
Ainsi, une matrice A appartient à l'orthogonal de Dn (R) si, et seulement si, A
possède
une diagonale nulle. En conclusion,
Dn (R) = {(ai,j )16i,j6n Mn (R) i [[ 1 ; n ]]
ai,i = 0}
On notera que Dn (R) n'est pas égal au sous-espace vectoriel constitué des
matrices de trace nulle. Il en est un sous-espace vectoriel strict.
Problème
I. Quelques exemples
2 On désigne par 0n la matrice nulle de Mn (K). Si A est diagonalisable alors le
couple (A, 0n ) convient car
(1) A = A + 0n ;
(2) A est diagonalisable dans Mn (K) ;
(3) 0n est nilpotente ;
(4) A × 0n = 0n = 0n × A ;
donc les quatre propriétés sont vérifiées et, par unicité, c'est le seul couple
possible.
La décomposition de Dunford d'une matrice A diagonalisable est (A, 0n ).
En appliquant le même raisonnement et toujours par unicité du couple,
La décomposition de Dunford d'une matrice A nilpotente est (0n , A).
D'après le cours, une matrice est trigonalisable si, et seulement si, son
polynôme
caractéristique est scindé, ce qui est l'hypothèse du théorème de décomposition
de
Dunford. Par suite,
Une matrice trigonalisable admet une décomposition de Dunford.
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Enfin, le couple proposé n'est pas la décomposition de Dunford de la matrice car
il ne vérifie pas la quatrième propriété. En effet, d'une part
1 0
0 1
0 1
=
0 2
0 0
0 0
0 1
1 0
0 2
D'autre part,
=
0 0
0 2
0 0
1 1
Le couple proposé n'est pas la décomposition de Dunford de la matrice
.
0 2
On pouvait aussi noter que, comme la matrice proposée A est triangulaire
supérieure, 1 et 2 sont ses valeurs propres. Par suite, elle est diagonalisable
donc sa décomposition de Dunford est le couple (A, 02 ). Par unicité de la
décomposition, la décomposition proposée n'est pas celle de Dunford.
3 Il suffit de contredire l'hypothèse du théorème, c'est-à-dire proposer une
matrice
dont le polynôme caractéristique n'est pas scindé. Par exemple, la matrice
0 1
-1 0
admet X2 + 1 comme polynôme caractéristique, qui est irréductible dans R. Ainsi,
0 1
La matrice
n'admet pas de décomposition de Dunford dans M2 (R).
-1 0
Plus généralement, les matrices de rotation d'un angle 6= k (k Z)
fournissent également des contre-exemples.
4 En développant le déterminant par rapport à la colonne du milieu, on obtient
A (X) =
Ainsi,
X-3
0
-8
X-3
-3
X+1
-6 = (X + 1)
2
2
0
X+5
-8
= (X + 1)3
X+5
Le polynôme caractéristique est A (X) = (X + 1)3 .
Le polynôme caractéristique de A est scindé donc la décomposition de Dunford
de A, notée (D, N), existe. Comme D = A la matrice D recherchée admet -1
comme unique valeur propre. Or, toute matrice diagonalisable admettant une
unique
valeur propre est nécessairement une matrice scalaire. En conséquence, D = -I3 .
On pose alors
4 0 8
N=A-D= 3 0 6
-2 0 -4
et on vérifie facilement que N2 = 03 . Finalement,
Le couple (D, N) est la décomposition de Dunford de A.
On note que D et N sont bien des polynômes en A.
5
Dans le sujet, la question de la convergence des séries mises en jeu n'est pas
évoquée. Dans un souci de rigueur, nous allons néanmoins justifier certaines